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Lecture analytique 1

l'ouverture de l'essai

 

 

I. Un discours humaniste

 

1. recours aux exemples

> références savantes : la Bible : l’Ecclésiaste, la philosophie grecque : Pythagore, l’histoire : Diomède, Galba, les Romains : c’est tout un arrière-plan humaniste qui est convoqué dans cette ouverture.

> exemple du gentilhomme : contrepoint avec les références savantes, du fait de son anonymat, de sa modernité, et de son registre,

>> une ouverture sous le signe de l’ouverture des horizons… cf le conditionnel « il y devrait avoir... »

 

2. une ambition philosophique

> vers la maxime : dès la première phrase « il n’en est à l’aventure » on a un présent de vérité générale et un pronom impersonnel qui construisent une posture d’énonciation moraliste.

> un vocabulaire abstrait « car la justice a connaissance et animadversion aussi sur ceux qui chôment »

>> volonté généralisante à travers les pronoms « nous », « On », et les tournures telles que « qui ne voit », jusqu’à la disparition du verbe qui actualise l’énoncé dans « tant de paroles pour les paroles seules »

 

3. une ouverture paradoxale

> affirmation de la vanité de l’écriture / les Essais = un bavardage... qu’il faudrait interdire / cette écriture stérile est le symptôme d’un siècle troublé : une écriture qui semble se contredire… un geste qui affirme son inutilité, son insignifiance.

> écriture vaine et vanité de l’écriture qui se laisse entendre dans la dissémination des sonorités « ven » dans les premières phrases.

>> écriture proche du paradoxe (cf éloge de la folie d’Erasme) cher aux humanistes, car il éveille l’esprit critique. Ainsi, on notera que pour écrire sa vie, Montaigne convoque des exemples... de même, pour affirmer des vérités générales, il passe par des exemples particuliers...

 

II. Une écriture modeste

 

1. une écriture humble

> l’écrivaillerie désigne un manière d’écrire sous le signe de l’humilité, qui s’oppose à l’imposante somme des 6000 volumes de Diomède sur la grammaire, et aux formes intensives qui parcourent notre extrait.

> de la même manière, c’est une écriture où domine la négation, qu’elle soit restrictive, totale ou sous forme de préfixe « ineptes et inutiles » ou d’adverbes « sans cesse et sans travail »

> une écriture en opposition aux formes superlatives : cf la première phrase, qui est la négation d’un superlatif : « il n’en est aucune plus express que... »

 

2. une écriture du bas

> une écriture excrémentielle : on est proche du discours scatologique, avec un jeu de mots sur « matière » dans « en quelque matière qu’elles tombent »… La métaphore de la digestion témoigne du travail d’assimilation de l’écriture, consubstantielle à son auteur

> le vocabulaire fait appel aux sens, avec l’odeur « tout autre propos lui puait », le toucher « dur  tantôt, tantôt lâche » dans cette écriture proche de l’obscène.

>> on n’est pas loin de la verve rabelaisienne avec une sorte de plaisir du corps : après le ventre, le babil semble être ici le souci / plaisir d’un personnage vieillissant.

 

3. une écriture baroque de la dérive

> la fantaisie semble primer, en opposition aux actions.

> esthétique baroque de la digression : «  représenter une continuelle agitation et mutation de mes pensées »

>> une écriture réflexive, proche de la mise en abyme : tant de paroles sur les paroles seules. Vertige baroque de ce jeu de miroir sans fin « quand serai-je à bout »...

 

III. Un portrait moral original

 

1. Un personnage qui s’expose

> cf « qui ne voit » / « vous voyez » : le regard du lecteur est convoqué pour une sorte de mise en scène de soi.

> « Ce sont ici des excréments d’un vieil esprit » : le démonstratif désigne les Essais et dirige en même temps le regard du lecteur.

>> un autoportrait où il s’agit bien de « représenter une continuelle agitation et mutation de mes pensées »

 

2. un ethos à part

> Autoportrait en oisif, Montaigne est du côté des fainéants et des vagabonds, c’est-à-dire des marginaux, des bannis… étrange communauté qui fait entendre la voix des affranchis, de personnes hors la loi. Montaigne le rebelle !

> à "la continuelle agitation des pensées" correspond l’injonction d’une "continuelle méditation des gens d’entendement" : entre agitation et méditation, l'esprit de Montaigne est insaisissable.

 

3. un éthos en route, en mouvement

> la métaphore du voyage associe l’écriture au mouvement.

> Montaigne se saisit ainsi en mouvement, dans le passage.

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