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Lorenzo et Philippe (2ème version)

plans de commentaires composés du même extrait

Plan utilisé en classe :

plan détaillé

 

I. La tirade : un plaidoyer pour justifier son acte

 

1. une justification pour soi

 

2. une justification politique, républicaine

 

3. un geste pour l’avenir, pour l’Humanité

 

II. Un discours romantique sous le signe de l’amplification

 

1. de la colère à la grandiloquence

 

2. des images de métamorphose

 

3. le goût du spectacle et de la mise en scène

 

III. L’expression d’un délire d’orgueil

 

1. une ambition démesurée (l'hybris d'un héros tragique)

 

2. un hypertrophie maladive de l’ego

 

3. un héroïsme ambigu

 

Pour le plaisir, voici un travail plus personnel, plus développé... mais peut-être aussi plus compliqué

 

I. Une écriture théâtrale romantique

 

1. Une prédilection pour l’hyperbole métaphorique

> A l’opposé de l’écriture classique qui cultive la litote, les romantiques sont tout en exagération. Il accumule les questions et multiplie les redondances pour montrer que le meurtre sauve la cohérence qui relie celui qu’il est et celui qu’il était.

> A l’opposé de l’esthétique classique, rationnelle, le romantique s’adresse à l’imagination et à la sensibilité du récepteur : il parle par images, évoquant sa chute à travers « je glisse depuis deux ans sur un rocher taillé à pic » et pour évoquer le lien avec son passé « ce meurtre est le seul brin d’herbe où j’aie pu cramponner mes ongles ». De même, il imagine par le biais de la métaphore filée du soufflet offensant, une humanité qui aura pris conscience de sa lâcheté.

>> le désordre exalté du discours traduit la difficulté du personnage à s’analyser et à s’exprimer

 

2. Le goût du spectacle et de la mise en scène

> Le personnage en début de tirade est proche de l’anéantissement et se présente comme un mort « veux-tu donc que je sois un spectre et qu’en frappant sur ce squelette il n’en sorte aucun son ? ». La didascalie « il se frappe la poitrine » témoigne d’une théâtralité cependant.

> Et cette théâtralité connaît un paroxysme à la fin du passage : Lorenzo s’imagine se substituant à Dieu dans la scène du jugement dernier. Dieu pourrait être interpellé par le geste de Lorenzo « Que la Providence retourne ou non la tête en m’entendant frapper ». Celui qui se présentait comme étant proche du néant opère un renversement spectaculaire : il revendique une supériorité sur tous. Son cynisme provocateur est tel qu’il assimile le jugement dernier à un tirage au sort.

>> L’orgueil du personnage s’exprime dans une démesure telle qu’il donne dans la pathologie de la mégalomanie

 

3. Une originalité revendiquée jusque dans la provocation

> Dans un premier temps, Lorenzo multiplie les interpellations et les questions adressées à Philippe. Ses interrogations sont oratoires, visant à provoquer le chef des républicains. Lorenzo se définit en s’opposant à Philippe : lui est capable d’agir, quand l’autre reste inactif « si tu honores quelque chose en moi, toi qui me parles, c’est mon meurtre que tu honores, peut-être justement parce que tu ne le ferais jamais »

> Dans la seconde partie, Lorenzo se définit en s’opposant à la totalité de l’humanité « il faut que le monde sache un peu qui je suis et qui il est ». L’originalité de Lorenzo passe par un action qu’il est seul capable de mettre en mouvement.

>> L’orgueil de Lorenzo passe par un discours qui multiplie les marques de l’outrance. A l’opposé de l’idéal classique, qui se voulait universel, le héros romantique tire sa gloire de sa différence.

 

II. Le drame de Lorenzo s’avère existentiel

 

1. Une personnalité irrémédiablement divisée.

> Les interpellations de Lorenzo sont moins les signes de questions adressées à Philippe qu’une sorte de monologue introspectif. La question est bien celle de son identité, divisée entre celui qu’il fut et celui qu’il est.

> L’ordre moral demeure, puisqu’il a conscience de sa culpabilité « mais j’aime le vin, le jeu et les filles, comprends-tu cela ? » La question révèle son incapacité à renoncer au mal, qui fait dorénavant partie de son existence.

>> Contrairement au héros classique dont l’introspection ouvre sur la connaissance de soi, le héros romantique se heurte à l’énigme de son être.

 

2. Le héros romantique vit dans une condition humaine dévalorisée

> amer constat au centre de la tirade :« si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentissage du vice pouvait s’évanouir, j’épargnerais peut-être ce conducteur de boeufs ». Lorenzo confesse son incapacité à diriger sa propre existence, à travers les deux irréels du présent. le personnage qui rêve de toute puissance est victime de sa propre impuissance

> Lorenzo exprime un désenchantement qui embrasse la condition humaine « ce conducteur de boeufs » ravale l’humanité à une animalité servile, qui accepte docilement le joug du tyran.

>> misère de l’homme, vision pessimiste de la société

 

3. une révolte existentielle

> l’apparent désordre de la tirade dissimule un gradation. Un premier défi est lancé aux républicains qui « me couvrent de boue et d’infamie », puis le défi s’élargit à tous les hommes « l’exécration des hommes empoisonne le pain que je mâche » et un élargissement s’opère lorsque Lorenzo passe du pluriel « les hommes » au singulier « l’humanité » « L’Humanité gardera sur sa joue le soufflet... ».

> La révolte prend ainsi une dimension métaphysique : le héros refuse les limites de la condition humaine. « je jette la nature humaine à pile ou face » : le vocabulaire philosophique apparaît dans ce mouvement du refus « je jette »

>> le héros classique était victime des dieux. Le tragique romantique élimine cette transcendance et développe un tragique moderne immanent.

 

III. Une parole dévalorisée au profit de l’action

 

1. La parole des hommes est dévalorisée

> Lorenzo ne croit plus aux mots. Les hommes qui l’insultent ne comprennent pas le noble motif ou le drame de Lorenzo. « voilà assez longtemps que les républicains me couvrent de boue... ». Les républicains parlent car ils sont incapables d’agir « j’en ai assez de me voir conspué par des lâches sans nom qui m’accablent d’injures pour se dispenser de m’assommer ».

> Cette condamnation des mots n’est pas sans incidence dans la bouche de Lorenzo : il a passé sa jeunesse dans les livres, et dénonce les mensonges d’une culture livresque, qui forge une vertu de pacotille.

>> existentialiste avant l’heure, le héros romantique clame que l’homme se justifie par ses actes.

 

2. Une valorisation de l’acte qui assimile Lorenzo à Hamlet

> Seul l’acte est un message crédible « dans deux jours j’aurai dit tout ce que j’ai à dire ».

> S’exprimer, ce n’est pas parler, c’est faire. Lorenzo s’affiche ici comme un double de Hamlet. Il feint la débauche comme son prédécesseur feignait la folie. Surtout, il rappelle le « words, words, words » de Hamlet déchirant les pages d’un livre, pour opposer le discours mensonger des livres à l’acte qui rétablit la vérité.

>> dans une pièce faite pour être lue, on a une valorisation de l’acte… Lorenzo : un double de Musset ?

 

3. Une mystique de l’acte ambiguë

> Lorenzo n’en finit pas de parler pour condamner les mots… Le personnage se grise de mots, avec des tournures rhétoriques qui témoignent de son plaisir à jongler avec le langage.

> surtout, c’est un acte plus terroriste que révolutionnaire : il veut accomplir son geste seul. L’important n’est pas que le tyran meure, mais qu’il meure par ses mains. L’attentat est commis pour lui et non pour la société, car il sait que son geste sera vain.

>> Lorenzo accomplit un geste désespéré, visant à le faire passer à tout prix à la postérité « qu’ils m’appellent comme ils voudront Brutus ou Erostrate, il ne me plait pas qu’ils m’oublient »

 

 

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