Créer un site internet

doc complémentaire

Rabelais, l'éducation de Gargantua

I. De nouveaux savoirs

1 ) Moins de livres, plus de lecture

Par rapport à l’enseignement scolastique, la culture livresque est réduite et est surtout centré sur la Bible. Gargantua ne recopie plus les ouvrages comme un scribe de couvent mais écoute les lectures qui lui sont faites. Par ailleurs, la lecture de la Bible est aussi un acte de foi et une célébration de Dieu, et non une controverse sur les points doctrinaux. C’est une lecture claire et intelligible, un véritable acte de compréhension – « à voix haute et claire, avec la prononciation requise » - opposé au marmonnement des moines pour qui le texte est incompréhensible. C’est une lecture directe, débarrassée des commentaires.

2 ) Une connaissance encyclopédique

L’éducation proposée par Ponocrates touche tous les domaines de la connaissance : la religion, l’astrologie, la morale, le sport et la connaissance du corps, la littérature, les propriétés médicales des aliments et des herbes. L’éducation encyclopédique proposée doit ouvrir l’esprit et la curiosité.

 

II. De nouvelles méthodes

 

1 ) La part faite au corps

L’éducation concerne aussi le corps : boire, manger, dormir, préoccupe Rabelais en tant que médecin. Avec Ponocrates, Gargantua se lève à 4h du matin, ne fait plus de sieste et ne perd aucune heure du jour. Enfin, durant le repas le régime de Gargantua est beaucoup plus varié et fait contraste avec la profusion de viandes salées de l’éducation sophistique.

L’enseignement humaniste donne une place importante au corps : l’activité physique occupe une partie de la matinée et la narration détaille les activités sportives. De même, l’hygiène fait partie de l’éducation. Rabelais critique vivement le peu d’hygiène de l’époque médiévale et des docteurs de la Sorbonne. Pour l’Eglise, le souci du corps s’oppose au souci de l’âme et de la vie éternelle. Le corps est considéré comme mauvais par sa dimension profane, corrompu et détourne l’homme de Dieu et des préoccupations spirituelles. L’éducation du corps va donc de pair avec l’éducation de l’esprit sur le modèle de l’éducation athénienne dans l’antiquité grecque.

2 ) Principes d'un méthode humaniste

- la récitation et la répétition : pour être su, l’enseignement se fonde sur la répétition des leçons : répétitions des lectures bibliques, répétition et récitation des leçons de la veille, récitation de formules de la leçon.

- C’est aussi un enseignement ouvert, fondé sur le dialogue, à la manière du dialogue socratique et la confrontation à l'autre (y compris confrontation physique dans le jeu).

- Cette éducation est joyeuse, non contraignante : le sport se pratique sans limitation de durée autre que celle de la résistance physique, la conversation est joyeuse : on y apporte des livres mais ceux-ci ne sont pas la finalité de l’enseignement.

- C’est une éducation pratique : Gargantua apprend en observant les choses de ce monde (les aliments, les plantes, les racines, les étoiles, le soleil, le ciel, la condition de ses contemporains). Le savoir livresque n’est là que pour soutenir l’observation du réel.

 

III. Une utopie de l'éducation

 

1 ) Un idéal d’éducation ?

on peut être surpris par l’utilisation du temps : toutes les activités de Gargantua sont recouvertes par l’éducation, jusqu’au passage à la selle, en passant par le repas ou la promenade. Il s’agit plus d’un idéal que d’un réel programme d’éducation réalisable. Alors que l'éducation scolastique était une pure perte de temps, le temps ici se dédouble, puisqu'on fait plusieurs choses en même temps : « Pendant qu’on le frictionnait, on lui lisait quelque page des saintes Ecritures » ; «Cela fait, il était habillé, peigné , coiffé et parfumé et, pendant ce temps, on lui répétait les leçons de la veille. ». Les leçons tournent à la litanie, elles reviennent comme un refrain, et leur oralité peut même les rapprocher du chant (la musique, art de maitriser le temps, est d'ailleurs au centre de l'enseignement)

         2) Une éducation à prendre au sérieux ?

En fait, même positif, ce passage entre dans un récit comique : la surcharge de la journée est du côté comique de la démesure. Il y a également du comique à penser que Gargantua se fait expliquer les points les plus subtiles de l’Écriture précisément au moment des cabinets. De même, méditer à quatre heures du matin sur « la majesté et jugemens merveilleux » de Dieu pendant qu’on lui passe un gant humide sur la figure prête à sourire.

 

Rabelais offre ainsi une progression à son personnage et au lecteur vers plus de sagesse, d’éducation et de savoir-vivre. Il oppose ainsi l’instruction aride, livresque et stérile de la scolastique à une éducation humaniste, qui touche tous les domaines de la connaissance, s’appuie sur des exemples et des observations complètes, et est un épanouissement de soi-même, intellectuellement et physiquement. Cet idéal est bien sûr inapplicable mais est proposé à titre d’exemple. Dans l’abbaye de Thélème, les participants ayant déjà de la sagesse et du savoir-vivre, certaines contraintes, comme celle du temps, auront disparu. En d’autres termes, cette éducation conduit l’homme à une véritable liberté responsable.

Ajouter un commentaire

 
×