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lecture d'image

Courbet, Le Désespéré

Cet autoportrait de jeunesse n’est pas à proprement parler « réaliste », il est empreint de la sensibilité romantique. Cependant, il contient déjà certains aspects de l’art réaliste de Courbet, un art sans manière, sans volonté de dénoncer ni de convaincre. Courbet cherche à donner au spectateur à voir une réalité non idéalisée.

 

1) Le Désespéré est une huile sur toile de 45X54cm. C’est donc un format « paysage », ce qui est assez inhabituel pour un portrait (pour le portrait, on utilise plus souvent le format… « portrait »). Cela crée un malaise, une impression d'écrasement. Le cadrage du sujet est tel que nous ne pouvons pas deviner où il a été peint. L’absence de repères oblige le spectateur à regarder ce sujet qui semble faire corps avec le tableau.

 

2) Le désespéré est ici peint dans un moment de crise intense ; que peut-il y avoir derrière ces yeux démesurément agrandis, sinon un gouffre de désespoir ? Cette impression est accentuée par l’éclairage, qui tombe en oblique de l’angle gauche du tableau, créant ainsi des contrastes marqués (effet de clair-obscur) ; cette lumière n’est pas de nature à irradier le personnage, à le sortir de son obscurité ; elle est là au contraire pour accentuer l’ombre dans laquelle est plongé le sujet, ainsi que pour souligner la crispation des mains dans la chevelure.

 

3) L’impression dominante est celle d’un enfermement; comme si le sujet était dans une cellule éclairée par un fenestron. La composition participe aussi de ce sentiment : les figures circulaires se multiplient. Au cinéma, ce procédé de cadre (le médaillon) dans le cadre (le tableau) est appelé « surcadrage » ; le plus souvent, il isole le sujet « surcadré » et l’emprisonne dans un système de lignes / spirale infernale. C’est le cas ici, et le format horizontal du tableau y ajoute une sensation d’écrasement.

 

Le spectateur est pris dans un face-à-face avec ce visage angoissé, face-à-face dont l’intensité est accentuée par les avant-bras repliés, et les mains qui l’enserrent. Le peintre ne laisse aucune place à la distraction, il n’y a aucune « respiration » dans le tableau. Nous sommes pris à parti, et seule l’outrance de l’expression nous permet peut-être de prendre nos distances avec la violence de ce regard, qui parait nous interpeller, comme si nous avions la clé pour soulager son malheur.

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