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l'épilogue du roman

commentaire

Introduction :

contexte à centrer sur l’absurde, qu’il faut définir (divorce entre l’homme et le monde, qui se dit dans un langage manifestant un divorce entre le mot et la chose…). Cependant, le fait que le monde soit dépourvu de sens n’entraîne pas forcément un sentiment de tragique désespéré.

Présentation du texte : En effet, dans l’extrait étudié, Meursault, à la veille de son exécution, prend conscience de ce divorce entre lui et le monde, mais dans un moment de paix particulièrement euphorique, et presque lyrique.

Problématique : nous verrons ainsi comment cette dernière page du roman fait de Meursault un personnage emblématique de l’absurde, célébrant la valeur de la vie dans un moment tragique.

 

I. Un moment d’apaisement

 

1. Des émotions à la prise de conscience

> le calme après la tempête (de la violence au sommeil). Procédés : rythme des premières phrases évoquent la rapidité du trouble, et l’apaisement dans un allongement de la phrase, champ lexical de la détente... Effet produit : un moment de purgation, de catharsis, évoquée d’ailleurs « cette grande colère m’avait purgé du mal ». Le personnage est comme guéri (la fièvre du soleil a d’ailleurs disparu, pour une fois, dans cette scène nocturne, unique dans le roman)

> le vocabulaire de la prise de recul et de la réflexion. Procédés : connecteurs logiques (parce que, pour que), adverbes « comment », « pourquoi », et verbes de pensée (j’ai pensé, il m’a semblé, je comprenais). Effet produit : un moment de révélation. Le personnage est comme illuminé (« avec des étoiles sur le visage »)

 

2. De la sérénité à la joie

> une nuit réparatrice où le personnage savoure le bonheur des sensations. Procédés : vocabulaire des 5 sens (bruits de campagne, des sirènes ont hurlé, verbes sentir et éprouver). Effet produit : loin du soleil agressif qui dominait le roman, le personnage est rafraîchi par « des odeurs de nuit, de terre et de sel ». C’est un état de grâce que le personnage savoure (« pour que tout soit consommé)

> Le vocabulaire des sentiments est développé pour la première fois à travers des adjectifs très positifs « merveilleuse paix », « tendre indifférence du monde ». Effet produit : fin de l’écriture blanche, qui devient de plus en plus poétique, lyrique, avec la multiplication des comparaisons (le soir était comme une trêve, comme si cette grande colère m’avait purgé, de l’éprouver si pareil à moi)

 

>> un personnage transfiguré, la nuit est ici un seuil symbolique que le personnage franchit. (« à la limite de la nuit »)

 

II. Sous le signe de la réconciliation

 

1. un personnage réconcilié avec le monde

> Meursault embrasse l’indifférence du monde (des hommes). Procédés : la répétition (polyptote) « indifférent / indifférence » témoigne d’une rupture assumée avec le monde, qui permet d’éprouver le monde « si fraternel enfin ». Le monde des homme mis à distance (à l’image des « départ » de bateaux) permet d’avoir un rapport plus charnel avec celui-ci (ce que signifie la « tendre » indifférence).

> une communion avec la nature. Procédés : la nature est sujet de verbes d’action (des bruits de campagne montaient / la paix de cet été entrait en moi / des sirènes ont hurlé, elles annonçaient…) Effet produit : il y a ainsi une véritable communication entre le personnage et le monde, au point que Meursault arrive à déchiffrer « cette nuit chargée de signes et d’étoiles ».

 

2. un personnage réconcilié avec son passé

> une réconciliation avec sa mère. Meursault évoque des parallélismes entre les deux situations « là-bas aussi », « et moi aussi »… Entre la cellule et l’asile, il y a ainsi une sorte de symétrie, qui annonce des cheminements identiques : « prête à tout revivre » annonce « je me suis senti prêt à tout revivre ». Comme sa mère, il aura vécu pleinement sa vie (« tout » revivre, pour que « tout » soit consommé), jusqu’au bout.

> une réconciliation avec soi-même : le personnage multiplie les marques de la 1ère personne, en position de sujet, d’objet, et même sous la forme tonique « moi » (si pareil à moi) affirmant ainsi une identité solide. Le personnage reconsidère sa vie en lui donnant sa véritable valeur « j’ai senti que j’avais été heureux et que je l’étais encore ». On lit une continuation entre le passé et le présent, signalant que le bonheur est le fil conducteur qui donne du sens à l’existence du personnage.

 

>> un héros auquel on peut s’identifier, un modèle d’humanité

 

III. Un héros qui accepte son destin

 

1. le cheminement vers un homme nouveau

> une renaissance, une scène baptismale. Procédés : champ lexical de la renaissance (reprise du motif « la première fois ») et allusions marines évoquant une sorte de baptême (« … entrait en moi comme une marée »), faisant écho aux « fiançailles » tardives de sa mère.

> un homme lucide, débarrassé de ses illusions. Meursault utilise un vocabulaire théâtral (elle avait joué à recommencer / beaucoup de spectateurs) pour montrer que son regard lucide n’est pas prisonnier d’un univers d’apparences. Les guillemets au mot « fiancé » témoignent également de cette lucidité, caractéristique d’un regard ironique, au second degré (« c’est le sens de l’expression « vidé d’espoir ».)

 

2. le temps cyclique et tragique assumé

> l’éternel retour et la temporalité. Procédés : la prolifération du préfixe -re (réveillé, recommencer, revivre) fait de la vie un éternel retour, à l’image du mythe de Sisyphe. On est d’ailleurs à la fin du roman, où l’on revient sur l’incipit, avec le retour de la mère, ce qui donne au roman une dimension cyclique également. La mort du fils fait ainsi écho à la mort de la mère, ce qui suggère une dimension tragique. Enfin la « trêve mélancolique » nous invite à entrer dans une temporalité cyclique, une parenthèse sans passé ni avenir, le mélancolique étant celui qui ressasse sans fin…

> un tragique sans désespoir. Le temps cyclique s’étire, en un instant présent infini. Autrement dit, la linéarité du temps s’efface et les temps utilisés débordent sur le passé et l’avenir. Surtout, la certitude de la mort n’abolit pas la célébration de la vie, et on peut lire cette célébration de la vie à travers une reprise parodique du vocabulaire religieux (la paix, le départ pour un monde…, les fiançailles, le mal, l’espoir...)

 

>> une apologie de la vie

 

Conclusion : De même que Camus imaginait Sisyphe heureux, de même il faut imaginer Meursault heureux. Il éprouve sa vie de manière absolue, et la célèbre jusqu’au bout.

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