bilan de l'acte I

1.Une exposition sous le signe du paradoxe : la menace fantôme

 

Présentation des personnages : Le spectateur découvre les personnages par couples : le jeune soldat (appelé « ma vieille » par son collègue) et le soldat, Jocaste et Laïus, Tirésias le devin et le chef de la garde (pouvoir spirituel et pouvoir militaire)… Les couples sont mal assortis, la communication est chaotique. Dernière phrase de l'acte : laisse les princes s'arranger avec les princes, les fantômes avec le fantômes, les soldats avec les soldats »

 

présentation de l'action : L'action commence sur les remparts, lieu de frontière entre l'intérieur et l'extérieur de la ville, juste avant l'aube, moment charnière entre la nuit et le jour. La ville est à la fois terrorisée par le sphinx, et dans l'ivresse de la fête... On peut noter d'ailleurs une confusion entre le temps mythique et l'actualité à travers des anachronismes (cf les boîtes de nuit, le vocabulaire familier). Et surtout, le mélange de comique et tragique génère une impression de confusion généralisée.

 

D'emblée, on est donc dans une pièce sous le signe du paradoxe. La pulsion de vie et la pulsion de mort se mélangent, et s'incarnent dans les deux personnages principaux qui sont présents / absents : le fantôme (entre la vie et la mort) et Oedipe (pulsion de vie du côté de la mère / pulsion de mort du côté du père)

 

2. Une réécriture parodique : le renversement du tragique

 

Alors qu'on s'attend à une reprise tragique annoncée par le titre et le prologue, c'est la tonalité comique qui domine. Comiques de situation, de caractères, de mots, de gestes… mais aussi ironie tragique avec les annonces du destin des personnages ( «  on se crevait les yeux » dit le jeune soldat, et Jocaste « tout le jour cette écharpe m'étrangle ») et surtout, ironie littéraire.

 

alors qu'on s'attend à une reprise de Sophocle, on est chez Hamlet… on peut lire ici une volonté de dérouter, mais aussi de renvoyer dos à dos deux figures : Hamlet est celui qui sait et ne peut agir / Oedipe est celui qui agit sans savoir… les deux personnages incarnent une figure moderne du héros qui ne peut à la fois savoir et faire.

 

3. Le fantôme, entre monde visible et invisible = vision moderne

 

une entreprise de désacralisation : la voix de l'au-delà est inaudible sur scène, le devin est caricatural… Nous sommes dans un monde où le sacré est partout (le sphinx, le fantastique, la voix…) mais sans grandeur, sans aura… un sacré dans lequel on ne peut croire. « ce n'est pas sorcier de prendre contact avec des hommes », déclare le soldat de manière ironique à la fin de l'acte.

 

Dans ce monde sans sacré, les valeurs sont désacralisées, à commencer par la grandeur royale : le soldat demande au jeune soldat s'il veut s'envoyer la reine, avant de déclarer « les rois morts deviennent de simples particuliers ». On peut aussi penser au pouvoir de Tirésias ou du chef, qui sont des personnages de pouvoir, rendus à l'impuissance.

 

le public fantôme : la proximité entre public et fantôme vient d'abord de la chute du 4ème mur (d'ailleurs le fantôme est censé apparaître sur le mur). Cette proximité entre le public et les fantômes est d'ailleurs assurée par la Voix, qui a également un caractère fantomatique. Ce n'est donc plus l’œuvre qui est sacrée, mais sa réception...

Ajouter un commentaire