Lorenzo et sa mère

I. Une rêverie romantique

Le thème du rêve, véritable lieu commun du romantisme, renvoie à une forme de liberté, puisque l'imaginaire se déploie sans obstacles dans une virtualité sans bornes. Ici, la mère de Lorenzo fait le récit d'un rêve étrange. Le mot "rêve" est répété à l'excès, et le spectateur comprend qu'il s'agit d'un rêve éveillé, d'un "songe" proche de l'hallucination. "Ce n'était point un rêve, car je ne dormais pas". La description qui suit confirme l'éveil de Marie et sa lucidité au moment de l'apparition.  Le contexte nocturne contribue à une mise en scène mystérieuse, voire inquiétante : "j'étais seule dans cette grande salle", "je regardais cette nuit obscure". L'atmosphère mystérieuse est renforcée par le silence et l'absence de paroles échangées. On oscille entre un sens littéral et un sens symbolique, évoquant de manière lyrique la souffrance maternelle.

II. Un héros insaisissable

L'hallucination permet de dresser un portrait énigmatique, fantastique, de Lorenzo. Lorenzo devient un être impalpable, un spectre qui "s'efface comme une vapeur du matin". L'évocation spectrale renvoie à la figure tutélaire de Hamlet. "Vêtu de noir", il porte le deuil et exprime sa mélancolie à travers son mutisme. Les précisions de Marie permettent de comprendre qu'il s'agit du Lorenzo d'autrefois : "je songeais aux jours où j'étais heureuse, aux jours de ton enfance", et "j'ai reconnu le Lorenzo d'autrefois". Ce portrait d'un homme studieux contraste avec la débauche actuelle de Lorenzo qui passe ses nuits dehors. Le contraste des deux personnalités est également mis en relief à travers les diminutifs "Renzo" et "Lorenzino". Face à ce récit, Lorenzo exprime son trouble par des répliques brèves et interrogatives. Il manifeste sa stupéfaction face au départ précipité de son double au moment où il aurait pu le rencontrer : cette impossible rencontre montre que le Lorenzo d'autrefois est définitivement perdu et ne peut survivre que dans les souvenirs de sa mère.