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séance 7 : docs complémentaires

le récit de combat épique

Textes  :

L'ODYSSEE (XXII, V.265 - 309 ) - POÈME ÉPIQUE - VIIIE S. AVANT JC

Ulysse revenu chez lui en Ithaque massacre avec trois compagnons tous les prétendants qui ont envahi sa maison.

Tous les quatre, en visant devant eux, lancent leurs javelines, et la pointe d'Ulysse perce Démoptolème, celle de Télémaque abat Euryadès, et celles du porcher et du bouvier atteignent Elatos et Pisandre. Les autres prétendants reculent vers le fond. Nos gens alors s'élancent et courent retirer des morts leurs javelines. Mais à nouveau, voici que, brandissant leurs piques, les prétendants tiraient. Athéna détourna la plupart de leurs coups : une pique frappa dans l'épaisse embrasure ; une autre, dans le plein du panneau de la porte ; une troisième, au mur, planta sa lourde pointe, tandis qu'Amphimédon atteignait au poignet la main de Télémaque : mais le bronze ne fit qu'égratigner la peau ; lancée par Ctésippos, une autre longue pique, en passant par-dessus le bouclier d'Eumée, lui éraillait l'épaule et, poursuivant son vol, allait tomber à terre.

Autour du sage Ulysse aux fertiles pensées, on riposte, en dardant des piques dans le tas : Ulysse cette fois, le preneur d'Ilion, atteint Eurydamas, tandis que Télémaque abat Amphimédon ; le bouvier, Ctésippos, et le porcher, Polybe (...) Ulysse alors, courant au fils de Damastor, le tue à bout de pique ; Télémaque, en plein ventre, atteint Liocritos, un des fils d'Evenor, et la pointe s'en va ressortir dans le dos. Il s'abat sur la face et son front bat le sol... Et voici qu'Athéna, déployant du plafond son égide qui tue, terrasse leurs courages. A travers la grand-salle, ils fuient épouvantés : tel, un troupeau de boeufs qu'au retour du printemps, lorsque les jours allongent, tourmente un taon agile. Mais Ulysse et les siens, on eût dit des vautours qui, du haut des montagnes, fondent, le bec en croc et les griffes crochues, sur les petits oiseaux qui tombent dans la plaine en fuyant les nuages ; les vautours les massacrent ; rien ne peut les sauver, ni bataille ni fuite, et les hommes aussi ont leur part du gibier... C'est ainsi qu'en la salle, assaillis de partout, tombaient les prétendants, avec un bruit affreux de crânes fracassés, dans les ruisseaux du sang qui courait sur le sol.

 

LA CHANSON DE ROLAND (LAISSES 103-105) - FIN XIE S. APRÈS JC

Le comte Roland et les douze pairs du royaume tiennent tête à des milliers de Sarrasins qui ont attaqué l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne au col de Roncevaux.

103

Margariz est un chevalier très courageux, beau, robuste, souple et alerte. Il éperonne son cheval et court frapper Olivier dont il brise le bouclier au-dessous de la boucle d'or pur. Il lui porte un coup d'épieu le long des côtes, mais Dieu protège Olivier, et la chair n'est pas atteinte. La hampe se brise sans qu'il soit renversé. Margariz le dépasse sans rencontrer d'obstacle et il sonne de sa trompe pour regrouper les siens.

104

La bataille est prodigieuse et s'étend de toutes parts. Le comte Roland se dépense sans compter. Il frappe de son épieu aussi longtemps que la hampe résiste. Mais au quinzième coup, la voilà brisée et inutilisable. Alors il met à nu Durandal, sa bonne épée. Il éperonne son cheval et court frapper Chernuble. Il brise son casque brillant d'escarboucles, coupe à la fois sa coiffe et ses cheveux, tranche son visage entre ses deux yeux, sa cuirasse blanche aux fines mailles et son corps tout entier jusqu'à l'entrejambe. Traversant la selle incrustée d'or, la trajectoire de l'épée s'arrête au cheval, puis elle tranche son échine sans se soucier de chercher la jointure et Roland l'abat raide mort sur l'herbe drue du pré. "Vaurien, s'écrie-t-il, c'est pour votre malheur que vous êtes venu ici, car Mahomet ne vous protègera pas ! Ce n'est pas une canaille de votre espèce qui gagnera la bataille aujourd'hui."

105

Le comte Roland traverse le champ de bataille avec Durandal qui tranche et taille rudement. Il fait un énorme massacre de Sarrasins. On aurait pu le voir jeter les morts les uns sur les autres tandis que le sang clair s'étalait sur le sol. Le sang couvre sa cuirasse et ses bras et aussi l'encolure et les épaules de son cheval. De son côté Olivier n'est pas en retard pour frapper. Pas un reproche non plus à adresser aux douze pairs. Les Français frappent de tous côtés. Parmi les païens, les uns meurent et les autres s'évanouissent. L'archevêque déclare : "Bénis soient nos chevaliers !" Il lance "Montjoie" car c'est le cri de guerre de Charles.

 

Les caractéristiques du récit de combat épique :

 

1. Les deux camps opposés ne sont pas équilibrés : on a quelques personnages confrontés à une multitude d'ennemis. Ulysse doit affronter la liste des prétendants et Roland se bat contre la masse des sarrasins regroupés au son de la trompe de Margariz. Si le combat est inégal, c'est bien sûr pour insister sur la dimension spectaculaire de la prouesse héroïque.

 

2. Ce combat est spectaculaire : sous le signe de l'hyperbole, la prouesse du héros profite d'une visibilité maximale. Les prétendants "fuient épouvantés" devant Ulysse, dans le camp des Sarrasins, "les uns meurent, les autres s'évanouissent". La victoire est ainsi totale, la violence du combat étant à sens unique.

 

3. Le combat est particulièrement violent, sanglant. Si les prétendants sont maladroits, Ulysse en revanche atteint systématiquement sa cible. Le vocabulaire des armes se déploie pour montrer la violence des combats. Cette sauvagerie est même figurée à travers les métaphores animales qui concluent la scène homérique. Le coup de Roland pourfend son ennemi ainsi que son cheval... et c'est dans une mer de sang qui finit l'assaut. On est dans un combat qui révèle ainsi une force surhumaine.

 

4. Le héros est en effet appuyé par les dieux. Athéna n'est pas seulement évoquée, elle intervient dans le combat, protégeant d'abord Ulysse et ses compagnons, et attaquant ensuite les prétendants. La mission des pairs de France prend également un tour religieux : les Sarrasins n'ont pas l'appui de Mahomet, ils sont appelés par le terme "païen", et les Français sont bénis par un archevêque.

 

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