Condition humaine

lecture analytique

Au seuil du roman, un personnage doit franchir une moustiquaire pour tuer un homme. Ce geste, symbolique, est celui d'un passage initiatique, du franchissement d'une frontière. Aussi, peut-on parler, dans l'acte meurtrier, d'un rituel initiatique : il s'agit bien de lever un voile pour entrer dans un nouveau monde, celui de la conscience d’être à la frontière entre héroïsme et monstruosité. Véritable scène de dévoilement et de révélation, le meurtre nous permet d'accéder à un savoir sur la condition humaine.

I. Une initiation fantastique

 

1. L'univers fantastique

> les références temporelles signalent que la scène se passe vers minuit trente, heure du crime, et le sentiment de la peur est très présent

> comme dans l'univers fantastique, des zones de frontières, de passages entre ombre et lumière, entre veille et sommeil, sont présentes

>> au seuil du roman, le fantastique nous fait osciller entre la vie et la mort

 

2. Une identification problématique

> on adopte le point de vue du criminel avec le point de vue interne, le discours indirect libre et le monologue intérieur

> le début in medias res nous fait franchir malgré nous les limites de la morale et de la bienséance

>> le livre s'ouvre ainsi sur l'expérience de l'interdit, de l'indicible

 

3. la naissance d'un monstre ?

> le personnage dit qu'il « se connait » puis « se découvre lui-même » : l'expérience est une révélation sur soi, la découverte d'un autre en soi (cf dr Jekyll et Mr Hyde)

> la moustiquaire = emblème du rituel de passage, image du dévoilement

>> l'initiation aboutit à un discernement, un regard clairvoyant sur la condition humaine

 

II. Une vision de la nature humaine

 

1. Un combattant

> le voc du combat et du conflit est omniprésent. Le personnage est engagé dans une conflit présent à l'arrière plan, avec une dimension épique

> l'image du face à face, et les figures d'opposition rendent compte également d'un conflit intériorisé

>> l'angoisse et la nausée traduisent ce conflit intérieur

 

2. un être déchiré

> les questions témoignent des doutes et hésitations

> le personnage, fasciné par les jeux d'ombres et lumières, est écartelé par le dilemme qui consiste à être actif ou passif

>> le choix des armes « tranchantes » symbolisent ce déchirement

 

3. un être à part

> l'individu est en conflit avec la société, qu'il compte changer (référence épique)

> tension aussi entre l'espace profane, tumultueux à l'extérieur, et l'espace sacré, silencieux, à l'intérieur (nouvelle référence épique)

>> on a une redéfinition du héros

 

III. Une vision de l'écriture

 

1. Une action difficile à lancer

> difficulté d'avancer, avec les phrases heurtées, qui retardent et interrompent l'action

> importance des bruits extérieurs et du silence à l'intérieur qui suspendent le geste

>> équivalence du couteau et du stylo

 

2. un sens en suspens

> la signification du geste est à interpréter à travers les points de suspension qui coupent le discours de Tchen

> les formulations implicites laissent entendre un sens caché : les indéfinis sont à déchiffrer (les dieux qu'il a choisis)

> le sens du meurtre nous échappe à travers une écriture qui fuit le réel à travers des conditionnels (fantasme) ou des négations (déni)

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