séance 3 : documents complémentaires

Abel et Caïn

4 1  Adam connut Eve, sa femme; elle conçut, et enfanta Caïn et elle dit : « J'ai formé un homme avec l'aide du SEIGNEUR ». 2  Elle enfanta encore son frère Abel. Abel fut berger, et Caïn fut laboureur. 3  Au bout de quelque temps, Caïn fit au SEIGNEUR une offrande des fruits de la terre ; 4  et Abel, de son côté, en fit une des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. Le SEIGNEUR porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande ; 5  mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn et sur son offrande. Caïn fut très irrité, et son visage fut abattu. 6  Et le SEIGNEUR dit à Caïn: « Pourquoi es-tu irrité, et pourquoi ton visage est-il abattu ? 7  Certainement, si tu agis bien, tu relèveras ton visage, et si tu agis mal, le péché se couche à la porte, et ses désirs se portent vers toi: mais toi, domine sur lui ». 8  Cependant, Caïn adressa la parole à son frère Abel; mais, comme ils étaient dans les champs, Caïn se jeta sur son frère Abel, et le tua. 9 Le SEIGNEUR dit à Caïn: « Où est ton frère Abel? » Il répondit: « Je ne sais pas; suis-je le gardien de mon frère ? » 10  Et Dieu dit: « Qu'as-tu fait? La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi. 11  Maintenant, tu seras maudit de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. 12  Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus sa richesse. Tu seras errant et vagabond sur la terre. » 13 Caïn dit au SEIGNEUR « Mon châtiment est trop grand pour être supporté. 14 Voici, tu me chasses aujourd'hui de cette terre; je serai caché loin de ta face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera ». 15 Le SEIGNEUR lui dit: « Si quelqu'un tuait Caïn, Caïn serait vengé sept fois ». Et le SEIGNEUR mit un signe sur Caïn pour que quiconque le trouverait ne le tuât point. 16 Puis, Caïn s'éloigna de la face du SEIGNEUR, et habita dans la terre de Nod, à l'orient d'Éden.

Quelques pistes d'analyse :

- le livre de la Genèse met en scène la création divine, qui passe du chaos (du désordre) à l'harmonie (l'ordre). Or notre passage illustre plutôt une démarche inverse : on passe de la (pro)création à la destruction (le fratricide). L'histoire humaine semble ainsi défaire l'harmonie établie par Dieu, le passage d'une génération à l'autre est placé sous le signe d'une dégradation, d'une dégénération. Rien ne va plus, on est dans un monde à l'envers... Bien plus, le meurtre est un éloignement de Dieu, il s'oppose à l'acte créateur, et rejaillit sur la création en rendant la terre stérile.

- Les hommes introduisent donc le règne de la division là où il y avait l'harmonie. Les deux frères s'opposent dans la mesure où l'un est berger, et l'autre laboureur. Le berger, sacrifiant des animaux, établit une hiérarchie entre les êtres (nature > règne animal > hommes > Dieu) : son offrande est un hommage à la création divine qui a organisé, ordonné la place de chacun. Au contraire, l'offrande du laboureur ne rend pas hommage à cette verticalité qui honore la transcendance. Le laboureur Caïn envisage le monde dans une horizontalité qui rend peu hommage à la transcendance. Autre distinction intéressante : la tête de Caïn est baissée (par le travail des champs et par le poids du péché), alors qu'on comprend implicitement que Abel doit avoir la tête levée (vers cette transcendance qu'il célèbre). Caïn sème la confusion là où l'ordre régnait.

- Abel sacrifiait des vies animales, ce qui était un progrès vers Dieu, mais Caïn sacrifie la vie de son frère, ce qui est une régression vers le stade de la sauvagerie. Ce récit, après celui le péché originel (Adam et Eve ont croqué le fruit défendu), est en ce sens un nouveau récit de la chute, de la sortie du paradis, sanctionnée par une nouvelle malédiction.

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