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Giacometti

L'homme qui marche II

Entraîné par un destin qui le pousse vers l'avant, l'homme moderne est emporté dans un monde en perpétuel mouvement (comme Meursault). La stabilité d'un monde fixe et figé dans ses certitudes n'est plus d'époque, l'homme n'est plus au centre du monde (comme à l'époque humaniste), mais il le parcourt, il erre. Cette attitude ouvre vers des questions telles que : d'où vient-il / où va-t-il… c'est-à-dire quelle est son origine et sa destination, ou encore : sa marche a-t-elle un sens ?

 

Dépourvu de vêtements, ce personnage est hors de la société, de la civilisation : dégagé de tout paraître superflu, il représente le néant de l'être. Avec ses pieds et jambes démesurés, cet homme semble emprisonné dans la matière. Son effort consisterait ainsi à avancer pour ne pas s'engluer. Cet effort est souligné par l'aspect filiforme, voire squelettique, des membres, qui témoigne d'une fragilité essentielle. Dépourvue de souplesse, la marche n'est pas un moment de plaisir, mais un but en soi, un but absurde qui mène à la destruction, à l'épuisement.

 

La posture en avant du buste, dans l'alignement de la jambe, indique une certaine rigidité du personnage, et même un caractère mécanique, automatique, de cette marche. La symétrie des bras, l'angle droit des jambes, le prolongement de la tête, donnent à penser que le personnage se déshumanise. Sa marche le conduit vers un amaigrissement, de façon mécanique : son avenir est tragique et absurde. A la fois inhumain et emblématique de l'humanité, l'homme qui marche nous renvoie à une vision pessimiste de l'existence.

 

Personnage solitaire et porté tragiquement par les événements, cet homme peut rappeler l'Etranger, dont l'écriture mécanique n'est pas sans rappeler la rigidité déshumanisée de la statue. Personnage mis à nu, dépouillé de ses vêtements de chair, il met en scène l'échec de notre société en cessant de paraître pour faire surgir le néant de notre condition.

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