bilan de séquence

Baudelaire et la mélancolie, 1ère partie

Intro : le Romantisme se caractérise par « le mal du siècle », c’est-à-dire une crise à la fois personnelle, historique, et métaphysique. Le génie romantique est en effet confronté à une crise personnelle : rien ne peut satisfaire son désir d’absolu. Cette crise existentielle se manifeste par l’impression que le divin n’est plus de ce monde, que la plénitude ne peut que se situer dans un ailleurs. Cette crise personnelle s’inscrit dans une crise historique : on est dans une période de désenchantement. Le romantisme, à proprement parler, se développe avant 1848. Avec le 2nd Empire, le règne de l’optimisme libéral et bourgeois est en opposition avec la conscience poétique du génie romantique. L’ennui peut alors apparaître comme une protestation contre la bonne conscience des possédants. Enfin, le mal du siècle relève d’un drame métaphysique : le poète est déchiré entre le spleen et l’idéal, entre le transitoire et l’éternel. Comment la poésie peut-elle alors manifester cette mélancolie ? Comment la mélancolie peut-elle féconder l’inspiration poétique ?

 

I. Les Fleurs du Mal, dictionnaire de la mélancolie

A. La mélancolie, une tradition poétique

> Baudelaire décrit des paysages mélancoliques, détrempés (« L’Ennemi », « Brumes et pluies », « Spleen 1 » et 3), où l’imaginaire de l’humide, du liquide renvoie au temps qui passe (la clepsydre) ainsi qu’à la liquidation du je poétique. Ce cadre spatial est également sous le signe de l’enfermement, la mélancolie se présentant comme un rétrécissement des horizons (« Le Mauvais moine », « Spleen 2 », "Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle...")

> Surtout, à ces paysages correspond un temporalité mélancolique. La saison de l’automne est omniprésente, et le moment du crépuscule où le jour bascule dans le néant, est également privilégié (« Harmonie du soir », « crépuscule du soir », « le crépuscule du matin »…). C’est ici le temps dévorateur, rappelant la figure de Saturne, qui est incontournable, et qui clôt la section Spleen et idéal avec « L’horloge » dans l’édition de 1861.

>> Baudelaire s’inscrit ainsi dans une tradition poétique où la mélancolie s’exprime à travers un cadre spatio-temporel codifié.

 

B. Poétique de la nostalgie

> l’écriture mélancolique, décrivant ce cadre spatio-temporel dysphorique, renvoie également à un univers de la plénitude situé dans un ailleurs inaccessible, passé ou rêvé. C’est le « vert paradis des amours enfantines » de « Moesta et errabunda », c’est le lieu rêvé de « La Vie antérieure » ou de « L’invitation au voyage ». L’idéal est ainsi situé dans un lieu originel et mythique, mais radicalement inaccessible, et l’écriture poétique ne peut être qu’un constat de la désillusion, de la démythification. La mélancolie, c’est la conscience aiguë d’une impossibilité de rejoindre le paradis perdu.

> Baudelaire est alors hanté par un désir de régression (« La Géante », « Le Léthé »). Le retour aux origines, aux temps d’avant la modernité, est un véritable leitmotiv. Il aime les témoins de l’ancien monde (« Bohémiens en voyage ») renvoyant à une humanité d’avant le péché.

>> L’écriture de la mélancolie est ainsi une écriture de la sortie du paradis, une écriture de la conscience d’un mouvement de décadence, de déchéance, qui affecte l’identité du poète.

 

C. Une identité malade

> Le poète s’appréhende alors sur le mode de la pétrification, il est hanté par la mort (« La cloche fêlée »). Il s’englue dans un univers minéral, pesant, inanimé. Les poèmes Spleen développent cet enfoncement (« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle... »), et le poète devient une sorte de mort vivant, condamné à vivre une mourante vie, reprenant le mythe du juif errant.

> Le thème de la ville fait également ressortir la menace d’une dépersonnalisation. La ville qui grouille « la rue assourdissante autour de moi hurlait... » menace le je d’éclatement.

>> Le poète est ainsi écartelé entre des tensions qui déchirent son moi : entre un mouvement de concentration/de vaporisation, entre horizontalité/verticalité, entre le moi/les autres (« l’Albatros »), entre le moi et sa propre conscience (« Héautontimorouménos »)… l’identité est en crise.

 

Transition : les Fleurs du Mal disent ainsi la mélancolie, toute la mélancolie, rien que la mélancolie. Mais dire son mal, c’est déjà s’en libérer et libérer l’écriture, mue par cette inspiration toute négative.

Ajouter un commentaire

 
×