lecture analytique 3

la fin de l'extrait

Rappel des pistes étudiées en classe

1. Une conclusion qui boucle le chapitre

> on a un retour sur le thème, après de nombreuses digressions

> l'auteur effectue également un retour sur soi (préfixes re- / marques de la 1ère pers)

> ce mouvement de retour prend une dimension universelle (mouvement du reflux de la mer / discours du Dieu / mouvement dialectique de l'argumentation)

II. Une conclusion sous le signe de l'ouverture

> le retour sur soi est para-doxal, il s'agit d'aller contre le sens commun, l'opinion commune

> un regard lucide (le refus de l'aveuglement / une contemplation de son propre néant : la vision du moraliste)

> une énonciation de plus en plus ouverte (Montaigne laisse la parole à "chacun", puis à Apollon)

III. Une réflexion sur la place de l'homme

> un homme écartelé par les antithèses qui parcourent le texte

> la vanité : entre grandeur et misère, entre la farce et le tragique / rappel la vanité signifie à la fois le sentiment du vide, et l'orgueil de celui qui est plein de lui-même

> la vanité : une invitation à la contemplation (comme le genre pictural du même nom)

 

Pour aller plus loin, voici une explication de texte trouvée sur internet :

I. Une synthèse sur la question de la vanité

  1. Présence du thème et du terme

Alors que de nombreuses pages du chapitre n’évoquent pas clairement la question de la vanité, même si celle-ci n’est jamais totalement perdue de vue, on se rend compte que, dans cet extrait, le thème de la vanité réapparait plus clairement.
On trouve le terme à trois reprises dans cet extrait, une fois dans les propos de Montaigne lui-même – dans une acception négative puisque le mot « vanité » est coordonné à « misère » – et deux autres dans les propos rapportés au discours direct qui sont attribués au dieu de Delphes : « c’est toujours vanité pour toi […] moins étendue ». Ici l’aspect négatif persiste, mais il se trouve nuancé, dans la mesure où la phrase opère une distinction entre des vanités de gravités différentes.

  1. De l’impossibilité d’échapper à la vanité

Trois voix se font entendre dans le texte, celle de Montaigne, celle de « chacun », celle du dieu de Delphes. Tous, d’une manière ou d’une autre, s’exprime au sujet de la vanité, auquel on ne semble pouvoir échapper. De façon plus significative encore, les énumérations indiquent la variété des domaines où s’exercent la vanité (cela donne le sentiment qu’on la trouve partout). Enfin, les images de la nature renforcent l’impression de l’impossibilité pour tout homme d’échapper à la vanité. Voir en particulier celle de la marée.

  1. Possibilité, toutefois, d’en limiter les effets négatifs

Au prix d’un effort pénible mais salvateur, il est pourtant possible de limiter – sans les supprimer – les effets négatifs de la vanité. C’est ce qu’indique en particulier l’injonction du dieu (dont M. partage le point de vue, contre celui de la doxa qui s’exprime dans le discours direct attribué à « chacun »). Dans cette injonction divine (cf. les impératifs) s’exprime une leçon de sagesse paradoxale (i.e. qui va contre la doxa) ce que soulignent les antithèses entre ce que les hommes ont tendance à faire (« s’écouler », « se répandre ») et ce qu’ils doivent se contraindre à faire (« appiler », « soutenir »)

=> [Bilan-transition] Il serait donc vain d’imaginer que l’on peut s’extraire de la vanité, car, par définition, celle-ci est partout. Mais la sagesse peut aider à en limiter les effets négatifs, à circonscrire cette vanité pour éviter d’être débordé par elle. Cela ne va pourtant pas sans tension, pour parvenir à déterminer le juste positionnement des hommes sur cette question. Ainsi s’engage également dans cette page une réflexion sur ce que doit être la place des hommes dans le monde.

 

II. Réflexion sur la place de l’Homme dans le monde

  1. Tension entre l’intérieur et l’extérieur

Le lexique et les antithèses expriment cette tension –

  • intérieur : « rebrousser vers nous », « repoussé à soi », « regardez dans vous », « ramenez-la à soi », « appilez vous », « contraintes au-dedans », « se contempler soi-même », « dedans » → le mouvement de retour vers soi est valorisé, malgré la difficulté à le mettre en oeuvre, tant il est contraire à ce qui paraît naturel.

  • extérieur : « ailleurs qu’à nous », « au-dehors », « en avant », « à vau l’eau », « haut ou bas, ou à côté, ou devant ou derrière vous », « se consommer ailleurs », « dehors » → ce mouvement d’échappée de soi est une pente naturelle mais est jugé négativement dans l’extrait.

  1. La question du regard

Importance du champ lexical du regard dans le texte, pris au sens propre mais surtout métaphorique. La question qui se pose est : où regarder?

  • Nature nous fait regarder « dehors », car regarder à l’intérieur de nous, c’est prendre le risque de nous « déconforter » (i.e. déprimer) en voyant l’étendue de notre « misère ».

  • Mais ce regard tourné ailleurs que sur soi favorise la vanité que l’on trouve déjà en nous au naturel, et cela va donc à l’encontre de ce qui se passe ailleurs dans la nature. En effet, toute créature, hormis l’homme, met des « limites à ses travaux et désirs », « s’étudie la première ». Ne pas s’astreindre à ce préalable, c’est prendre le risque d’être un « scrutateur sans connaissance ».

  1. Une apologie de l’ouverture

Pour autant, ce nécessaire recours à l’introspection n’est qu’une étape. Si l’on revient à soi, c’est pour mieux considérer le monde, comme le montre par exemple le rythme ternaire final, et, aussi, la nature qui a fait en sorte tout de même que nous regardions à l’extérieur de nous.
Ce mouvement dialectique se traduit aussi par les jeux énonciatifs du passage : alors que Montaigne recourt volontiers à la première personne dans les Essais, ici, le « je » s’efface au profit du « nous », du « vous, et du « toi ». De façon plus significative encore, le passage accueille trois voix (Montaigne, « chacun », le dieu de Delphes), de telle façon qu’au moment où M. prône le retour à soi, il se tourne aussi vers autrui : cela nous indique bien que l’introspection n’est pas une fin en soi – même si cela apparaît comme une étape nécessaire pour que les hommes jugent mieux de ce qui est extérieur à eux. C’est parce qu’ils se connaîtront mieux eux-mêmes qu’ils pourront, avec justesse et une vanité limitée à ses justes bornes, aborder ce qui n’est pas eux. L’écriture même des Essais témoigne de cette tension dialectique.

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