Léonard

Le couple maître disciple dans Léonard

Léonard et le disciple : l’être et l’action

Léonard est l’incarnation du savoir et de la réflexion. Sa barbe signifie la vieillesse renvoyant à l’archétype du vieux sage, alors que le disciple est imberbe et ignorant. Le vieux sage est lié à la réflexion, on le voit réfléchir en tournant en rond (il se « creuse » la cervelle de façon métaphorique). Il monopolise la parole et est appelé maître, quand le disciple est rabaissé au rang d’assistant (« un disciple mais en pire »), dont on souligne l’importance du mutisme : « un assistant qui discute… on aura tout vu ». On a une opposition radicale « et maintenant taisez-vous ! »

Le disciple, loin d’évoluer dans le monde des idées, appartient au monde terrestre. On le sort du sommeil et des songes, pour le ramener au réel. Son changement de costume le fait sortir à nouveau du domaine de la rêverie pour celui du travail. Ancré dans le réel, il est attiré par l’argent (une petite rétribution) et est entièrement plongé dans l’action, quand le maître est dans la contemplation (de soi). Pour lui, le réel est ce à quoi on se heurte : le réel fait mal, de la première à la dernière case, en passant par l’oeil au beurre noir et les étoiles…

un couple de comédie : l’art de la parodie

Les jeux sur les mots sont omniprésents, depuis le langage décalé du disciple (plait-il / sans vouloir fouler du sabot de l’indiscrétion les plates-bandes de votre vie privée) jusqu’au double sens (ce qui vous arrive à vous, le mauvais sujet, eh bien, c’est un bon sujet). Les expressions du disciple et les exagérations (le trou) nous renvoient au comique de la farce…

On est dans un rire qui relève de la parodie, on se moque des modèles, des références. Le modèle renvoyant à Léonard de Vinci est évident. Une parodie du poète inspiré est également manifeste : « Les idées fourmillent dans mon cerveau et ça chatouille ». La caricature se lit dans la réécriture de l’histoire par Léonard : « le disciple l’air un peu ahuri / Léonard, l’air intelligent... ».

C’est ainsi une parodie de relation maître-disciple qui est mise en scène : le maître se moque de son disciple, entièrement tourné vers lui-même dans un narcissisme extrême, mais ce maître est lui-même tourné en dérision dans son geste ultime, où il abandonne le monde des idées et de la création pour retourner dans le réel qui fait mal.

le créateur et la créature mis en abyme

Léonard incarne ainsi le créateur, et devient, par un jeu de mise en abyme, créateur de la bande dessinée. L’atelier de l’artiste renvoie alors à celui des auteurs, Turk et De Groot. Cette mise en abyme d’une histoire dans une histoire est sans cesse redoublée : par le texte (good and bluts / être ou ne pas être utile, voilà la question / et toute la dernière planche), mais aussi par le dessin, avec le chat qui devient zorro, tarzan, superman jusqu’à Mickey et Gros minet… c’est toute une histoire de la BD qui est ainsi retracée, jusqu’à la dernière image qui offre un magnifique effet vache qui rit. On a alors le couple auteur-lecteur qui est mis en avant, avec le disciple qui devient véritable critique littéraire, réagissant devant l’invraisemblance du récit (notons d’ailleurs que Léonard réinvente l’histoire, avec un coup de marteau évoqué qui n’a pas eu lieu)

On est ainsi dans une relation où le savoir ne se transmet pas, car il y a une différence de nature entre les deux personnages. « vous n’avez pas à trouver, Disciple, vous n’êtes qu’un assistant ». Le comique naît d’ailleurs de cette rébellion de la créature impuissante, mais profondément humaine.Dans cette parodie de relation maître-disciple, il ne s’agit pas de transmettre un savoir, il s’agit de transmettre du plaisir au lecteur. Au plaisir de la farce s’ajoute celui de la parodie, et celui d’une lecture ironique. Il y a une gradation dans le plaisir, de plus en plus recherché.

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