intro : Abel et Caïn

le crime contre nature : le mythe du retour au chaos

Abel et Caïn dans la Genèse

- le livre de la Genèse met en scène la création divine, qui passe du chaos (du désordre) à l'harmonie (l'ordre). Or notre passage illustre plutôt une démarche inverse : on passe de la (pro)création à la destruction (le fratricide). L'histoire humaine semble ainsi défaire l'harmonie établie par Dieu, le passage d'une génération à l'autre est placé sous le signe d'une dégradation, d'une dégénération. Rien ne va plus, on est dans un monde à l'envers... Bien plus, le meurtre est un éloignement de Dieu, il s'oppose à l'acte créateur, et rejaillit sur la création en rendant la terre stérile.

- on notera que l'opposition entre le berger et le laboureur est symbolique. Le berger se situe entre Dieu et l'animal, dans une relation verticale qui permet de communiquer avec le divin. Ainsi, Abel sacrifie l'animal, quand Caïn sacrifie son frère, régressant ainsi au stade de la sauvagerie. Caïn, disant qu'il n'est pas "gardien de son frère", en parle d'ailleurs comme d'un animal... On passe alors dans une dimension horizontale, celle de l'errance (qui figure l'absence de sens dans un monde éloigné de Dieu).

- le crime de Caïn introduit ainsi le motif du monde à l'envers. Le déséquilibre humain s'installe en lieu et place de la création équilibrée divine. Au "fiat lux" sublime de la création du monde répond le "qu'as-tu fait ?" accusateur. Aux 7  jours qui ont été nécessaires pour créer le monde répondent les 7 vengeances divines au cas où Caïn serait tué. Ce déséquilibre se lit aussi dans les chiasmes, où les noms de Abel et Caïn se croisent, ou encore à travers les mouvements de chute (le regard abattu).

Abel et Caïn vus par Titien

- la sauvagerie est mise en avant à travers les peaux de bêtes, les musculatures, et le sang versé.

- La contre-plongée accentue le mouvement de chute. La fresque, située dans un plafond, donne l'impression que le ciel nous tombe sur la tête.

- le retournement du personnage invite à identifier le motif du monde à l'envers. On bascule de la lumière vers les ténèbres. Le monde devient hostile, inhabitable, c'est l'enfer sur terre.

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