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séance 3 : document complémentaire

Crébillon Fils, La Nuit et le Moment

Le développement de l'esprit philosophique propre aux Lumières n'empêche pas le libertinage, bien au contraire. En effet l'art de raisonner, d'élever l'esprit avec un vocabulaire abstrait va être utilisé par Clitandre pour séduire la belle Cidalise. Le texte se présente ainsi comme un éloge du plaisir implicite, masqué par une critique explicite du discours philosophique. Autrement dit, nous verrons comment la parodie de discours philosophique est utilisé de manière à faire naître le désir.

 

I. Une critique de l'esprit philosophique

- le raisonnement n'empêche pas le libertinage (désigné par la périphrase « faire tout ce que nous faisons »). Même, le libertinage aujourd'hui est pire que celui d'hier, parce qu'il est conscient. Esprit philosophique = une chute dans la perversion, signalée par la formule ironique « nous avons eu le bonheur d'arriver au vrai »

- critique d'une métaphysique de l'amour : le goût seul existe. Vérité = du domaine des sens, du corps, et non de l'esprit (amour). On notera l'opposition entre le plaisir des sens et l'ennui lié à la réflexion morale (antithèse dans la dernière phrase du texte).

- vérité philosophique conduit à un univers du mensonge, du théâtre et de la cérémonie. « Jamais l'on a moins affecté la vertu » : univers de la caricature avec les superlatifs qui accentuent le jeu des acteurs de la société.

 

II. Un discours d'homme d'esprit

- un discours abstrait, qui joue sur l'implicite : le discours est général, avec l'emploi du « on », et les tournures évoquant des habitudes « on se plait, on se prend ». On a même un vocabulaire de moraliste : « il a plu à la vanité des hommes d'en faire une vertu ». Clitandre montre qu'il manipule le vocabulaire des philosophes pour le détourner de manière parodique.

- le dialogue est d'ailleurs un genre philosophique : à l'origine, Socrate utilisait le dialogue pour faire accoucher les esprits. On est ici dans une sorte de parodie de dialogue philosophique, dans la mesure où le dialogue cherche à aboutir à une relation érotique.

- le raisonnement de Clitandre vise à faire naitre le désir : la progression de son discours va de la critique de la sagesse morale vers l'éloge du plaisir sensuel. De même, on va d'un discours généralisant, donc moraliste, vers des exemples, plus immoraux à mesure qu'ils sont plus précis : « un Amant » devient « un Amant ennuyeux », puis « un caprice »...

 

III. Un discours érotique (un esprit séduisant)

- la verve de l'orateur vise à éblouir la belle Cidalise : le beau parleur construit des phrases complexes, qui nécessitent toute l'attention de l'interlocutrice.

- l'orateur vise l'effet de brio, à travers des nuances et des distinguos, ou encore des parallélismes qui mettent en avant son esprit d'analyse.

- Surtout, les effets de symétrie préfigurent le rapprochement des corps : on a une phrase qui développe une esthétique de la complémentarité, de la binarité… les mots font l'amour avant les corps.

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