séance 4 : La Condition humaine
L. A n°2 : Malraux, La Condition humaine
Au seuil du roman (l'incipit), un personnage doit franchir une moustiquaire. Ce geste, symbolique, est celui d'un passage, le franchissement d'une frontière. Aussi, peut-on parler, dans l'acte meurtrier, d'un rituel initiatique : il s'agit bien de lever un voile pour entrer dans un nouveau monde, celui de la monstruosité. Épreuve de dévoilement et de révélation, le meurtre nous permet d'accéder à un savoir sur la condition humaine. Comment la mise en scène du meurtre met-elle en relief les déchirures qui caractérisent la condition humaine ?
I. Une initiation fantastique
1. Un univers proche du fantastique
> les références temporelles signalent que la scène se passe vers minuit trente, heure du crime, et le sentiment de la peur est très présent
> comme dans l'univers fantastique, des zones de frontières, de passages entre ombre et lumière, entre veille et sommeil, sont présentes
>> au seuil du roman, l'atmosphère nous fait osciller entre la vie et la mort
2. Une identification problématique avec le personnage principal
> on adopte le point de vue du criminel avec le point de vue interne, le discours indirect libre et le monologue intérieur
> le début in medias res nous fait franchir les limites de la morale et de la bienséance : comment s'identifier à un criminel ?
>> le livre s'ouvre ainsi sur l'expérience de l'interdit, de l'indicible
3. la naissance d'un monstre ?
> le personnage dit qu'il « se connait » puis « se découvre lui-même » : l'expérience est une révélation sur soi, la découverte d'un autre en soi (cf dr Jekyll et Mr Hyde)
> la moustiquaire = emblème du rituel de passage, image d'un dévoilement
>> l'initiation aboutit à un discernement, un regard clairvoyant sur la condition humaine
II. Une condition humaine écartelée, conflictuelle
1. Un combattant
> le voc du combat et du conflit est omniprésent. Le personnage est engagé dans une conflit présent à l'arrière plan, avec une dimension épique
> l'image du face à face, et les figures d'opposition rendent compte également d'un conflit intériorisé
>> l'angoisse et la nausée traduisent ce conflit intérieur
2. un être déchiré
> les questions témoignent des doutes et hésitations
> le personnage, fasciné par les jeux d'ombres et lumières, est écartelé par le dilemme qui consiste à être actif ou passif
>> le choix des armes « tranchantes » symbolisent ce déchirement
3. un être à part
> l'individu est en conflit avec la société, qu'il compte changer (référence épique)
> tension aussi entre l'espace profane, tumultueux à l'extérieur, et l'espace sacré, silencieux, à l'intérieur
>> on a une redéfinition du héros
III. Un incipit qui ne lance pas l'action
1. Une action difficile à lancer
> la description est omniprésente, dans une scène très visuelle et statique.
> difficulté d'avancer, avec les phrases heurtées, qui retardent et interrompent l'action (la focalisation sur le pied peut être alors symbolique)
> les bruits extérieurs et le silence à l'intérieur suspendent le geste
>> équivalence du couteau de Tchen qui n'arrive pas à trancher et du stylo de l'auteur qui suspend l'action
2. un sens en suspens
> on ne connait pas les raisons de ce meurtre : l'implicite domine, dans ce début in medias res, ce qui contribue à rendre l'atmosphère mystérieuse
> la signification du geste de Tchen est particulièrement ambigue : est-ce un acte sacré ou sacrilège ? est-il un héros ou un assassin ?
>> L'incipit commence sur une question, et multiplie les dilemmes : le lecteur est volontairement mis dans une posture inconfortable, puisque l'incipit ne donne pas les informations nécessaires à la compréhension de l'action.
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