séance 7 : correction corpus

En quoi ces extraits présentent-ils des meurtres qui ont une dimension symbolique ou esthétique ?

  1. Des meurtres symboliques : les criminels semblent détruire des idées plutôt que des personnes

Le texte de Zola met ainsi en scène la défiguration d'un personnage dans un tableau. Le meurtre n'est donc pas réel, c'est seulement le retour à une masse informe, au chaos d'une « bouillie fangeuse ». Le geste destructeur peut alors se lire comme le symbole d'un mouvement symbolique d'autodestruction. Le tableau, véritable miroir du créateur, met en abyme sa souffrance, et figure la haine de soi du peintre. « La souffrance » de Claude consiste donc à laisser « balafrée d'une plaie béante » son oeuvre, comme s'il était lui-même blessé. Dans le Parfum, le crime est bien réel, mais la victime est aussi présentée comme une idée, une « essence » parfumée, éthérée, plus qu'un corps humain. Le meurtre permet au personnage d'entrer en contact avec un monde sacré, dont témoigne le vocabulaire mystique : « ce parfum apothéotique », c'est-à-dire qui a rapport avec une manifestation divine, est associé à une « formule magique ». Le corps sert donc à relier l'humain et le divin. La transe de Grenouille, qui garde les « yeux fermés », témoigne de cette tentative d'accéder à une forme d'Absolu qui se dérobe. La destruction d'un personnage vivant ou figuré est ainsi une manière d'exprimer la frustration des personnages lancés dans une quête inaccessible.

 

  1. Des meurtres esthétiques : le crime est l'aboutissement d'une quête de perfection

Le Parfum met en avant cette notion de quête qui engage le sens de la vie de Grenouille. Cette quête est cependant négative, elle est l'oeuvre d'une « âme noire », héros de la destruction : il « n'avait d'autre souci que de ne pas perdre la moindre parcelle de son parfum ». La forme négative est ici redondante et caractérise ce personnage qui nie la vie et l'humain, retournant à l'état animal d'une bête qui renifle. La quête de l'Oeuvre, au contraire, est une quête de perfection lumineuse. Loin de chercher à fermer les yeux comme Grenouille, il s'agit, comme le signale Dubuche, de voir « plus clair » à force de travail et d'efforts. Cette perfection lumineuse, ce « fiat lux » est cependant inaccessible : la tombée de la nuit et la progression des ombres peuvent se lire comme l'annonce d'une impossibilité de créer. « Ravagé par le désir furieux de pouvoir encore, de créer quand même », Claude, rêvant de toute puissance, laisse éclater sa frustration. La scène se termine par une descente des escaliers qui fait écho au soleil qui se couche : la nature et le personnage se résignent ainsi à suivre ce mouvement de déchéance. Les meurtriers sont ainsi des personnages torturés par un désir inassouvi : ils subissent leurs pulsions destructrices, ne pouvant élever leur désir au rang d'oeuvre d'art.

 

  1. Le meurtre comme perversion du désir inassouvi.

Le désir est très présent dans nos deux extraits, et on peut remarquer que les corps des deux femmes sont donnés à voir dans une érotique perverse. « Jamais il ne s'était senti si bien » : la jouissance dans le crime de Grenouille peut s'apparenter à une forme de sadisme, et la punition que s'inflige Claude peut relever d'une logique masochiste. En tout cas, le meurtrier apparaît dans nos textes comme un être de pulsion : l'extase proche de la transe de Grenouille est ainsi à mettre en relation avec la « fièvre » puis la « fureur » de Claude. A l'opposé de la furor, l'inspiration divine qui caractérise l'artiste dans l'antiquité, le corps du meurtrier est envahi par des désirs qu'il ne peut maîtriser, des pulsions qu'il ne peut sublimer. Le meurtrier n'est plus inspiré par un dieu, mais par des instincts diaboliques. On est alors dans le règne du corps brut, sans vie, sans âme : « sans tête, qu'un tronçon mutilé, qu'une tâche vague de cadavre, une chair de rêve évaporée et morte ». Le meurtrier peut alors être emblématique de l'artiste raté, celui qui ne peut donner vie à sa création.

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