séance 3 : le chêne et le roseau

Evolution des personnages chez Esope et La Fontaine

Evolution des personnages

 

Chez Esope :

le couple roseau / olivier présente deux manières de faire face aux circonstances, symbolisées par les vents violents. L'olivier est une figure de résistant, c'est celui qui fait des reproches, celui qui incarne la contradiction, il incarne le discours engagé (il s'agit de rivaliser avec de plus puissants). Au contraire, le roseau se tait, c'est une figure de l'acceptation passive, proche de la lâcheté.

La fable se présente alors comme un éloge du stoïcisme : Le stoïcisme s'appuie sur la distinction entre d'un côté les choses qui dépendent de nous (sur lesquelles nous pouvons agir) et d'un autre côté les choses qui ne dépendent pas de nous (sur lesquelles nous n'avons aucune influence). Pour vivre heureux et libre, selon les stoïciens, il ne faut pas lutter en vain contre ce qui ne dépend pas de nous, mais au contraire l'accepter et nous abstenir des vices et passions qui nous y exposent.

 

L'olivier / chêne chez La Fontaine :

- c'est un bavard dont le discours occupe 16 vers sur 32 ! (alors que le roseau ne parle que sur 8 vers)

- il se livre à son propre éloge, avec grandiloquence : hyperboles et vocabulaire noble ou images précieuses font du chêne un faux (ou mauvais) poète. Le discours se veut donc sublime, c'est le discours de la grandeur épique qui héroïse le personnage avec une imagerie qui peut rappeler une noblesse toute royale.

- les paroles du chêne sont gonflées de vent : on est dans le blâme de l'orgueil et de la démesure (hybris) qui caractérise le héros de tragédie. Le personnage insiste sur la grandeur de sa condition, qu'il oppose à la naissance humble du roseau. Ce faux héroïsme féodal est ici condamné par le vent révolutionnaire d'un nouvel âge, où les valeurs ont changé.

 

Le roseau chez La Fontaine :

- il parle peu, et son style bref est marqué par une certaine simplicité. Les phrases et les mots sont idéalement concentrés, à l'image de la devise monosyllabique « je plie, et ne romps pas » (figure de l'épitrochasme)

- cette parole est signe de sagesse, d'autant qu'elle s'appuie volontiers sur la raison : les connecteurs logiques multiplient les oppositions d'une pensée qui pèse.

- Cette souplesse est alors signe de grandeur, elle rappelle une attitude proche du stoïcisme. Pascal fera de cette figure une allégorie de l'homme, faible par sa nature, sa condition misérable, mais fort de sa faculté de penser, et dont l'humilité fait la force et la sublime grandeur.

 

Bilan :

De Esope à Anouilh, le chêne est de plus en plus valorisé, devenant l'incarnation d'une grandeur morale. Le roseau, qui représentait l'idéal de sagesse antique et l'idéal esthétique du classicisme, devient au contraire l'incarnation de la petitesse et de la mesquinerie. La parodie est ainsi l'occasion de renverser les valeurs éthiques et esthétiques.

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