La demande en mariage

Lecture analytique

I. Le dysfonctionnement du dialogue amoureux

 

a. le renversement des rôles

> Marie mène le dialogue et effectue la demande en mariage. C'est un personnage velléitaire, omniprésent comme le souligne l'anadiplose «  si elle le voulait. Elle a voulu savoir... »

> tonalité parodique, voire ironique (cf le nom de marie… qui veut se marier) ou burlesque (refus de traiter le mariage de manière sérieuse).

 

b. un dialogue miné par le silence et la répétition

> les silences marquent les étapes du dialogue. Prise de parole évolue vers le murmure.

> dissymétrie entre les personnages : bavardage de Marie (« Puis elle a parlé. »), mutisme de Meursault (comme je me taisais, n'ayant rien à rajouter)

> la répétition («  J’ai répondu comme je l’avais déjà fait une fois ») comme figure du bégaiement, d'un dialogue qui n'avance pas. Le texte est encadré par «  nous pourrions le faire si elle le voulait » et «  nous le ferions dès qu’elle le voudrait ».

 

c. un mariage sous le signe de la désunion, de la négation et de l'antithèse

> négations multiples (au lieu du « oui » attendu lors d'une demande en mariage) et fermeture à l'autre

> antithèses et contradictions : distance et éloignement. Antithèses : «  Elle voulait simplement savoir si j’aurais accepté la même proposition venant d’une autre femme » et « elle m’aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons »

 

transition : demande en mariage qui sonne comme l'annonce d'un divorce

 

II. Un anti Dom-Juan / un héros étranger au « romantisme »

 

a. refus du stéréotype social

> Marie fait du mariage l’union qui couronne l’amour : elle lie le mariage à l’amour et ne comprend pas qu’on puisse se marier sans être amoureux.

> Ici apparaît un conformisme social qui cherche à faire de l'amour une nouvelle « affaire classée », le mariage est ainsi pour Marie « une chose grave », c'est-à-dire un rite oppressant.

 

b. refus de l'effusion lyrique

> absence de sentiments, ton sec, phrases courtes, proches de la notation (opposé de l'effusion)…

> aspect mécanique des paroles rapportées qui s’enchaînent

> retournement du cliché romantique de la ville de Paris

 

c. Une vision absurde de l'amour

> Le concept d'amour est également remis en question. Meursault refuse que l'amour soit une affaire classée. «  J’ai répondu comme je l’avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l’aimais pas » : à noter que « comme je l'avais déjà fait une fois » peut renvoyer au non sens de la mort qui « ne voulait rien dire »…

 

Conclusion :

Cet extrait nous confirme l’étrangeté du personnage principal du roman de Camus, qui refuse tous les rites sociaux, ainsi que l’expression des sentiments, et fait constamment usage d’une franchise désarmante, parfois blessante.

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