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Corpus sur la parodie, textes pages 514 à 516 du manue

Proposition de plan

1. Le refus du tragique :

- les personnages désacralisent l'univers de la tragédie : Hamlet dans Cinémastock n'a rien du héros tragique avec son regard particulièrement inexpressif. Tirésias, qui incarne le sacré dans la Machine infernale, est ridicule avec son surnom Zizi et son art est rabaissé avec la description péjorative de ses "volailles".

- la familiarité des réécritures s'oppose au discours majestueux du texte source : le langage familier de Jocaste s'oppose radicalement à la description de la reine chez Shakespeare, "la plus vertueuse des femmes en apparence". Jocaste n'est pas une reine de tragédie mais un personnage de comédie. De même, à la place du discours du spectre qui s'étirait dans des tirades visant à impressionner, l'art de l'ellipse dans la bande dessinée produit un effet qui dédramatise la scène. Les longueurs du discours sont même interrompues par des commentaires tels que "ça va, on connait ce genre d'histoire", qui accélèrent le récit et lui retirent sa majesté.

Nos réécritures nous introduisent alors dans un univers burlesque, où les références nobles sont traitées avec désinvolture. De même qu'Hamlet joue au bilboquet avec le crâne dans la 6ème vignette de la bande dessinée, les auteurs jouent avec les références tragiques désacralisées.

2. L'art de la caricature :

- nos réécritures jouent sur l'amplification. La deuxième vignette de la bande dessinée transforme ainsi, par exemple, le drame familial en un dédale inextricable : "s'ils ont un fils, il sera en même temps mon frère et mon cousin germain, et si le beau-frère de la bru...". L'amplification est poussée ici jusqu'à l'absurde. Le fantôme chez Cocteau, nommé Laïus au lieu de Laïos, est un personnage qui ne cesse de se plaindre, quand le spectre de Shakespeare précisait justement "Ne me plains pas". L'amplification fait ainsi ironiquement chez Cocteau de ce personnage un porte parole pathétique.

- des invraisemblances provocatrices. D'une part, les anachronismes (la photo) ou le visage du père dans Cinémastock font basculer le récit dans l'absurde. D'autre part, le comique de caractère relatif à Jocaste, personnage au jeu exagéré incarnant un désir déplacé, empêche d'avoir une lecture sérieuse de la scène.

L'excès tragique, l'hybris qui est mis en scène dans le discours du spectre de Shakespeare, a donc un effet comique. L'excès fait rire grâce à l'ironie qui est mise en place.

3. Un détournement ludique : l'ironie

- les textes semblent se répondre, se commenter. Ainsi les paroles du garde décrivant le fantôme "il parlait vite et beaucoup... et il s'embrouillait, et il n'arrivait pas à dire ce qu'il voulait dire" peuvent être interprétées comme un commentaire ironique des tirades métaphoriques du spectre de Shakespeare. Chez Gotlib et Alexis, le ver sortant du crâne peut rappeler une image dégreadée du "serpent qui a mordu mortellement ton père". Plus que des réécritures, nos documents sont des relectures du texte source.

- les clins d'oeils dans les réécritures établissent alors une complicité amusée avec le lecteur/spectateur. Le face à face avec le crâne, où l'on reconnait la scène "to be or not to be", la réplique "il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark", permettent d'entrer dans l'univers d'Hamlet. Mais ces allusions cotoient d'autres références comme "je suis ton père", qui peut faire penser à Star Wars. Chez Cocteau, l'incommunicabilité entre le spectre et les autres personnages peut renvoyer à la communication aisée avec l'au-delà de la scène shakespearienne "Parle. / Ecoute-moi bien. / J'écoute...".

Ainsi, un jeu savant invite à relire le texte source, et à l'interroger. L'ironie littéraire ne vise pas seulement à désacraliser un texte fondateur, mais elle le revivifie, en le réinterprétant.

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