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séance 2 : En attendant Godot

texte complémentaire de S. Beckett

POZZO
C'est parfait. Tout lt monde y est ? Tout le monde me regarde ? Regarde-moi ! Parfait. Je suis prêt. Tout le monde m'écoute ? Avance ! Là ! Tout le monde est prêt ? Alors quoi ? Je n'aime pas parler dans le vide. Bon. Voyons.

ESTRAGON
Je m'en vais.

POZZO
Qu'est-ce que vous m'avez demandé au juste ?

VLADIMIR
Pourquoi il ...

POZZO
Ne me coupez  pas la parole ! Si nous parlons tous en même temps nous n'en sortirons jamais. Qu'est-ce que je disais ? Qu'est-ce que je disais ?

ESTRAGON
Bagages ! Pourquoi ? Toujours tenir. Jamais déposer. Pourquoi ?

POZZO
J'y suis. Il fallait me le dire plus tôt. Pourquoi il ne se met pas à son aise. Essayons d' y  voir clair. N'en a-t-il pas le droit ? Si. C'est donc qu'il ne veut pas ? Voilà qui est raisonné. Et pourquoi ne veut-il pas ? Messieurs je vais vous le dire.

 

Quelques idées à retenir sur cette parodie de dialogue

 

  1. Une parodie de conversion :

 

Difficile de voir à quoi on fait référence : les pronoms EN et Y n'ont pas d'antécédent... les constructions intransitives montrent une absence de complément. La parole, dont le champ lexical est omniprésent, est l'enjeu de l'échange, mais elle n'a pas d'objet. On étire une parole qui n'a pas de contenu. La fonction phatique du langage domine alors, on s'assure que le courant passe, mais c'est une parole remplissage. On a ici l'invention d'une nouvelle forme de dialogue (théâtre de parole, qui rappelle l'idéal classique d'un théâtre sur rien)

 

  1. Parodie de dialogue théâtral

 

L'action est sans cesse différée : c'est le règne systématique du trop tôt ou du trop tard : «  si nous parlons tous en même temps, nous n'en sortirons jamais » : la parole est dans une impasse signalée par les indices de temps. Même le présent pose problème : Estragon dit « je m'en vais », mais il n'accomplit pas cette action...

 

  1. Dérision et parodie

 

On a une mise en abyme, du théâtre dans le théâtre, dans la mesure où on a sur scène un public devant un orateur... Les didascalies insistent sur la gestuelle du personnage, qui rappelle la farce. On a ici un acteur raté, dont la parole est minée par le silence et la répétition.

 

  1. Vertus du raté : un comique inquiétant

 

Pozzo est maitre car il monopolise la parole, même s'il ne dit rien. Parler, c'est dominer : Lucky est le seul personnage qui reste muet, Vladimir et Estragon sont réduits à des mots ou des mimes...

Le maître est ainsi celui qui se met en spectacle, celui qui a un besoin narcissique du regard et de l'attention des autres.

Dimension presque tragique de cet extrait : le comique n'efface pas la cruauté, bien au contraire. Surtout, il y a une dimension tragique au coeur du langage, qui dit son impuissance.

 

 

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