Confession d'un enfant du siècle

document complémentaire sur la génération de Musset

Dans la première partie de La Confession d’un enfant du siècle, Musset analyse les raisons historiques de ce qu’il appelle « le mal du siècle ». La chute de Napoléon Ier a privé d’espoir et de gloire ces enfants qui « étaient nés au sein de la guerre, pour la guerre ». La Restauration ne leur laisse aucune chance de pouvoir assouvir leurs ambitions et les jeunes gens, insatisfaits, s’ennuient et découvrent l’angoisse de la mort, alors qu’ils auraient donné leur vie pour servir l’Empereur.

 

1. La situation politique. Musset utilise deux expressions qui font référence à l’histoire pour mettre en évidence ce qui oppose les deux forces en présence : d’un côté, « les souverains du monde », ces rois que la périphrase rend distants et sereins, de l’autre, « tous ces gladiateurs frottés d’huile », les jeunes gens que la métaphore et l’allusion à la civilisation romaine font imaginer combatifs, impatients de faire leurs preuves et replacent dans le contexte politique de la république ou de l’empire, et non de la royauté. Le lexique dépréciatif exprime ce que ces rois proposent à la jeunesse : les termes « repos », « oisiveté » et « ennui » forment une gradation qui traduit la déception éprouvée. La vie politique paraît médiocre, terne, sans le rouge du sang de la gloire militaire et des conquêtes des armées napoléoniennes, sans les activités périlleuses, sans les tempêtes que l’histoire est censée offrir aux jeunes gens. Le vocabulaire juridique présente cette inaction comme une punition et une fatalité. L’ennui de la jeunesse est suggéré par la juxtaposition de trois exemples de « combats », vaines tentatives pour meubler l’ennui : des légitimistes, partisans de la branche des Bourbons détrônée en 1830 par la branche d’Orléans, se battent « sur les marches de la Chambre législative », des jeunes nostalgiques de l’Empire manifestent leurs convictions en assistant à une représentation théâtrale, des libéraux se rendent aux obsèques du général Foy qui avait pris position en faveur des libertés individuelles et de la presse. Chacun de ces groupes est désigné par l’indéfini « on », ce qui renforce l’impression de conformisme.

 

2. La situation psychologique. Musset tente d’exprimer le « malaise » éprouvé par les jeunes gens. Ce sentiment n’épargne personne, il est ressenti par chacun « des membres des deux partis opposés » quand des jeunes gens s’affrontent. Ce malaise est une vive douleur que traduisent l’adjectif « insupportable » et l’adverbe « amèrement », une douleur intime et profonde (« au fond de l’âme »). Ce sentiment est si intense qu’il est indicible, les mots étant trop faibles pour en donner la mesure : l’adjectif « inexprimable » et les articles indéfinis renforcent l’impression que l’expression de ce malaise est impossible. Cette souffrance est tenace, comme l’indique l’image contenue dans le verbe « fermenter » qui suggère une aggravation. L’auteur explique ce malaise de la jeunesse par l’inaction, « l’oisiveté » engendrant « l’ennui ». Il insiste sur l’idée que les jeunes gens sont « condamnés au repos » en les représentant comme des spectateurs inutiles « voy[ant] se retirer d’eux les vagues écumantes contre lesquelles ils avaient préparé leurs bras » en pure perte. Cette métaphore est renforcée par celle des gladiateurs qui, comme les marins, se sont entraînés inutilement à un combat qui n’aura pas lieu. Les jeunes gens ne manquent pas seulement d’action, mais de tout, comme le montrent les termes forts empruntés au champ lexical du manque (« misère », « vide » et « pauvreté »). L’expression « le vide de son existence » traduit un vide total et une vie qui n’a pas de sens.

 

3. La situation sociale. À l’inverse, lorsque Musset évoque l’activité de la jeunesse, il la dévalorise. Cette activité n’est pas un véritable choix puisque l’occupation dans laquelle ils se lancent est déterminée par l’importance de leur fortune. Musset distingue ainsi trois groupes et présente de manière péjorative la conduite adoptée par chacun d’eux. « Les plus riches » remplissent le vide de leur existence en devenant « libertins » : par ce terme, l’auteur désigne à la fois le libertinage religieux et moral, le refus des contraintes religieuses et le goût pour les plaisirs et la débauche. Le verbe « se résigner » donne une image négative de ceux que leur « fortune médiocre » oriente vers une carrière dans la justice ou dans l’armée ; Musset insiste sur leur renoncement et la médiocrité de leurs ambitions semble répondre à la médiocrité de leur fortune. Le comportement « des plus pauvres » est aussi décrit et sévèrement jugé : le verbe « se jeter » donne l’impression d’un acte irréfléchi et désespéré que confirment trois compléments fortement dépréciatifs. Musset met l’accent sur la vanité et la stérilité de cette « action sans but » en utilisant aussi bien l’oxymore « l’enthousiasme à froid » que l’ironie (« les grands mots ») ou la métaphore (« l’affreuse mer »). Quand il évoque trois exemples de combats politiques menés par les jeunes gens, il emploie une gradation croissante (« s’aller battre », « courir », « se ruer ») qui traduit une conduite gouvernée par les passions. Cette jeunesse semble aussi mettre sur le même plan le fait de manifester ses idées politiques, d’applaudir un acteur à la mode ou d’assister à un enterrement.

 

Musset dresse donc un bilan sévère des activités de la jeunesse, mais il donne aussi l’impression qu’elle n’a pas le choix et qu’elle y est condamnée.

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