Créer un site internet

bilan de séquence

Comment, dans cette œuvre, se manifeste l’esthétique du Nouveau Roman ?

I. La construction des personnages

 

1. le règne de l'incertitude

> des portraits à peine ébauchés : on a peu de portraits : Lol est blonde, Tatiana est brune, P Beugner, J Hold et J Bedford semblent fantomatiques.

> une part d'ombre importante : le point de vue narratif est partiel, et surtout, la vie psychique des personnages est complexe, avec le thème de la folie notamment…

 

2. Des relations complexes

> le désir triangulaire : à l'image de l'incipit, les voix se superposent, et les désirs se mêlent. Le désir est désir du désir de l'autre (R. Girard), et le désir vit dans le déséquilibre, l'instabilité (autrement dit, la symétrie d'un couple, binaire, c'est la mort du désir)

> des personnages doubles : Tatiana, double de Lol ? J Hold, un succédané, un avatar de M. Richardson ? Lol : un personnage double, dédoublé ?

 

3. L'expression des sentiments

> un roman « d'amour », centré sur l’expérience du ravissement. C’est cette expérience que Lol veut revivre à travers Tatiana-Karl et J Hold. Le ravissement est lui-même complexe, à la fois euphorique (un moment d’extase) et dysphorique (un sentiment de perte de soi)

> l'obsession de l'indicible, de l’innommable. On est dans l’expérience du traumatisme, et de l’au-delà du langage.

 

II. Le traitement de la narration

 

1. Une narration non linéaire

> le roman revient sans cesse sur la scène de bal, on revient sans cesse en arrière, vers une scène primitive qui nous échappe.

> Le rythme de la narration se calque sur celui d'une danse, avec la reprise de motifs récurrents, comme les rencontres à l'Hôtel des Bois

> une narration sous le signe de l'errance, à l'image des excursions de Lol

 

2. Le jeu sur la focalisation

> le point de vue du narrateur reconstruit une part du récit. L'oeuvre est structurée sur cette tension entre ce qu'on sait (le réel) / ce qu'on imagine (le fantasme).

> un art de l'ellipse : l'histoire est marquée par le vide, le manque. La description des lieux et paysages est ainsi minimaliste, et on a une absence de description systématique.

> un point de vue partiel qui laisse une large place à l'interprétation : exemple du retour au Casino : la lumière aveugle-t-elle Lol parce qu'elle voit le réel (et non la scène passée qu'elle se plaît à ressasser indéfiniment) ?

 

3. le refus d'expliquer

> des contradictions qui laissent perplexe (« Je ne vous aime pas cependant je vous aime, vous me comprenez)

> des passages ambigus : le retour au Casino : un échec ? Une réussite ?

> une fin énigmatique : Lol endormie dans le champ de seigle. Une fin ouverte qui laisse une multiplicité d'interprétations possibles. Peut-on y voir un apaisement, une sérénité retrouvée / une obligation obsessionnelle d'observer le couple J Hold / Tatiana-Karl ?

 

III. Le détournement de clichés romanesques

 

1. la reprise de motifs littéraires

> la scène de bal : une manière de s’inscrire dans une tradition littéraire. La magie et la dimension séductrice de cette scène échappent à Lol, qui connaît en revanche la dimension tragique d’une perte de soi.

> une démythificaton de l'amour : on est dans une écriture du désir, non de l’amour. L’image du couple marié est toujours insatisfaisante, les maris étant toujours trompés. Aucune idéalisation du désir n’est soulignée : aimer, au contraire, c’est être tourmenté, c’est risquer de sombrer à l’instar de Lol.

 

2. Une écriture résolument moderne

> Duras joue aussi avec les codes du roman : l’identité du narrateur, tardivement dévoilée, et de manière spectaculaire, en témoigne. On peut également noter les jeux sur les noms de lieu (S Tahla, T Beach, U Turn, etc...)

> une écriture proche de l’écriture automatique (technique surréaliste visant à se libérer de toute forme de censure psychique), s’autorisant la contradiction et le recours à un imaginaire débridé.

 

3. Un roman poétique

> le roman se rapproche d’une écriture où les rythmes et sonorités sont au premier plan.

> une écriture musicale, jouant sur l’art de la variation, la répétition de motifs (on est proche de la musique sérielle)

Ajouter un commentaire

 
×