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le complexe d'Oedipe

documents complémentaires

Freud extrait de Cinq leçons sur la psychanalyse, Quatrième leçon

L’enfant prend ses deux parents et surtout l’un d’eux, comme objets de désirs. D’habitude, il obéit à une impulsion des parents eux-mêmes, dont la tendresse porte un caractère nettement sexuel, inhibé il est vrai dans ses fins. Le père préfère généralement la fille, la mère le fils. L’enfant réagit de la manière suivante : le fils désire se mettre à la place du père, la fille, à celle de la mère. Les sentiments qui s’éveillent dans ces rapports de parents à enfants et dans ceux qui en dérivent entre frères et sœurs ne sont pas seulement positifs, c’est-à-dire tendres : ils sont aussi négatifs, c’est-à-dire hostiles. Le complexe ainsi formé est condamné à un refoulement rapide ; mais, du fond de l’inconscient, il exerce encore une action importante et durable. Nous pouvons supposer qu’il constitue, avec ses dérivés, le complexe central de chaque névrose, et nous nous attendons à le trouver non moins actif dans les autres domaines de la vie psychique. Le mythe du roi Œdipe qui tue son père et prend sa mère pour femme est une manifestation peu modifiée du désir infantile contre lequel se dresse plus tard, pour le repousser, la barrière de l’inceste. Au fond du drame de Hamlet, de Shakespeare, on retrouve cette même idée d’un complexe incestueux, mais mieux voilé.

[...]

Il est inévitable et tout à fait logique que l’enfant fasse de ses parents l’objet de ses premiers choix amoureux. Toutefois, il ne faut pas que sa libido reste fixée à ces premiers objets ; elle doit se contenter de les prendre plus tard comme modèles et, à l’époque du choix définitif, passer de ceux-ci à des personnes étrangères. L’enfant doit se détacher de ses parents : c’est indispensable pour qu’il puisse jouer son rôle social. A l’époque où le refoulement fait son choix parmi les instincts partiels de la sexualité, et, plus tard, quand il faut se détacher de l’influence des parents (influence qui a fait les principaux frais de ce refoulement), l’éducateur a de sérieux devoirs, qui, actuellement, ne sont pas toujours remplis avec intelligence. 

 

Olivier Maurel : Complexe d’Oedipe : ce que Freud a omis

La tendance fondamentale de Freud à disculper les pères et à accuser les enfants se retrouve de manière éclatante dans la manière dont il a traité la tragédie de Sophocle et le mythe d’Oedipe. Pour Freud, non seulement Œdipe a commis un parricide et un inceste, mais il devient, dans sa théorie, la figure même de l’enfant qui désire tuer son père et coucher avec sa mère, et qui le désire de façon innée, sans aucune cause extérieure ou antérieure. […] En réalité, plus on croit que le mal est au cœur de l’enfant, plus on croit à la nécessité de la violence pour l’en "délivrer". Et moins on croit à son innocence, moins on "reconnaît" et le respecte, et plus on l’enfonce dans la violence.

 

René Girard, La violence et le sacré

Seul l’adulte peut interpréter les mouvements de l’enfant comme un désir d’usurpation (le parricide et l’inceste) ; il les interprète au sein d’un système culturel qui n’est pas encore celui de l’enfant, à partir de significations culturelles dont l’enfant n’a pas la moindre idée(…). Le père prolonge en pointillés les mouvements à peine amorcés du fils et il constate sans peine que celui-ci se dirige droit vers le trône et vers la mère. Le désir du parricide et de l’inceste ne peut pas être une idée de l’enfant, c’est de toute évidence l’idée de l’adulte, l’idée du modèle. Dans le mythe, c’est l’idée que l’oracle souffle à Laïos, longtemps avant qu’Oedipe soit capable de désirer quoi que ce soit[…]. L’élément mythique du freudisme, c’est la conscience du désir parricide et incestueux, conscience éclair assurément, entre la nuit des premières identifications et celle de l’inconscient, mais conscience réelle tout de même, conscience à laquelle Freud ne veut pas renoncer, ce qui l’oblige à trahir toute logique et toute vraisemblance, une première fois pour rendre possible cette conscience et une deuxième fois pour l’annuler, en imaginant l’inconscient réceptacle et le système de pompes aspirantes et refoulantes que l’on sait. Ce désir du parricide et de l’inceste, je le refoule parce que jadis, je l’ai vraiment voulu.[...] La rivalité mimétique présente sur le complexe freudien des avantages de tous ordres : elle élimine avec la conscience du désir parricide et incestueux, la nécessité encombrante du refoulement et de l’inconscient. Elle s’inscrit dans un système de lecture qui déchiffre le mythe oedipien ; elle assure à l’explication une cohérence dont le freudisme est incapable et ceci avec une économie de moyens que Freud ne soupçonne même pas [...].

 

 

Le mécanisme de l'inconscient

 

1. un refoulement qui structure la vie psychique :

Freud explique ici le fonctionnement de l'inconscient : il s'agit de montrer que les désirs fondateurs (amour de la mère/hostilité envers le père) ne peuvent être acceptés par la conscience. Le désir (le ça) s'oppose ainsi à la loi (morale ou surmoi).

Ces désirs sont alors refoulés, c'est-à-dire censurés. Cependant, dans la vie de tous les jours, on assiste à un retour du refoulé : les névroses sont ainsi des affections où les symptômes sont l'expression symbolique d'un conflit trouvant ses racines dans l'histoire infantile.

En d'autres termes, le complexe d'Oedipe agit en nous : il oriente un pôle positif (pulsion de vie) et un pôle négatif (pulsion de mort) dans la relation aux autres. Le complexe d'Oedipe joue ainsi un rôle important dans la construction de la personnalité et l'orientation du désir (libido).

 

2. les mécanismes de substitution et de déplacement du désir :

Deux logiques sont à l’œuvre dans le complexe d'Oedipe : dans un premier cas, il y a un désir de se substituer au père. Il s'agit de « se mettre à la place de », dans un processus d'identification à un « moi idéal », un « modèle ». « Je » me rêve « autre », dans la logique de la métaphore.

Dans un deuxième temps, on voit que la logique du désir est aussi métonymique : il s'agit d'aimer ceux qui nous sont proches, puis « on passe de ceux-ci à des personnes étrangères » : autrement dit, il y a un rapport de contiguïté dans le désir, qui va dans le sens d'un « détachement » et suit un processus de distanciation.

On voit à quel point la condition humaine est écartelée : entre pulsion de vie / de mort, entre désir et interdit, entre conscience et inconscient, entre une logique métaphorique / métonymique de la libido… on comprend pourquoi on peut parler de « complexe » !

 

3. vers une sublimation du désir : la résolution du complexe

Le complexe d'Oedipe est amené à être surmonté. Heureusement, on n'est pas tous psychotiques, avec des désirs incestueux ou parricides !

Deux manières sont évoquées : l'éducateur a pour mission d'amener à une certaine sublimation des désirs. C'est-à-dire que le lien social, l'ouverture à l'autre, ou plus généralement la civilisation, permet de passer de la réalisation du désir à la réalisation de soi.

Autre manière de sublimer le désir : l'art ! Sophocle et Shakespeare sont convoqués parce qu'ils permettent de réfléchir, de relire le mythe d'Oedipe. Autrement dit, le spectateur a la possibilité de comprendre à travers le prisme de ces tragédies à quel point la résolution du complexe est nécessaire.

 

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