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Voltaire / Fénelon

deux conceptions du bonheur opposées

 

I. Le plaisir de la modération / la jouissance à l’excès

> un climat modéré, où règne l’harmonie des saisons. Refus du luxe et des richesses (critique de la cour de Louis XIV avec la corruption des moeurs). Procédé : les négations restrictives (« ils n’estiment que ce qui sert »). On est dans un idéal de la tranquillité, de la « quiétude » incarnée par la « simplicité » (« simples et heureux dans leur simplicité »), dans le refus de l’agitation des passions.

> Plaisir de l’énumération « J’aime le luxe, et même la mollesse, Tous les plaisirs, les arts de toute espèce » : on est dans l’abondance, soulignée par les termes quantitatifs, avec des coordinations multiples « et des besoins et des plaisirs nouveaux ». Les pluriels sont le signe de cette profusion « les trésors, aux plaisirs, ces vaisseaux... »

 

II. Le modèle antique / le mythe du Progrès

> le mythe de l’age d’or renvoie à la conception nostalgique du paradis perdu. « Ce pays semble avoir conservé les délices de l’age d’or » : le verbe suggère un temps qui est figé de toute éternité, souligné par les indices de temps « toujours serein » « toujours tempérée » « toujours fleuris ». Ce temps d’éternité est d’ailleurs au présent, de vérité générale. On est dans le hors temps de l’utopie, un temps hors de l’histoire.

> le texte de Voltaire est encadré par des références à l’age d’or et au paradis perdu, mais de manière ironique. Aucun nostalgie, on est chez Voltaire dans l’éloge de la modernité : « moi, je rends grâce à la Nature sage, qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge ». « Le paradis terrestre est où je suis ». Loin de regarder vers le passé, Voltaire regarde vers le futur, et l’image du commerce correspond à cette ouverture des horizons. Les villes portuaires et les « heureux échanges » témoignent d’un regard qui n’est plus obsédé par un temps circulaire, mais curieux de nouveaux espaces.

 

III. La douceur bucolique / le rire ironique

> Le ton de cette description est bucolique : il s’agit de chanter la nature, dans un cadre proche de la pastorale. « Ils sont presque tous bergers ou laboureurs » : on revient au temps d’Abel et Caïn, dans une humanité idéale où la valeur morale suprême pourrait être la douceur. « Le fleuve Bétis coule dans un pays fertile et sous un ciel doux » : la douceur, c’est ainsi une harmonie entre les éléments, mais aussi entre les hommes : les pronoms soulignent une sorte de collectivité unanime avec « ils répondent en ces termes », comme s’ils n’avaient qu’une seule voix.

> Voltaire, au contraire, affirme son individualité, et utilise volontiers la 1ère personne du singulier. Son discours oscille entre l’éloge et le blâme. En effet, il tourne en dérision les modèles du passé : les références à l’âge d’or et au paradis originel sont évoquées, mais aussi Fénelon, et son œuvre Télémaque ! La caricature démythifie ces références : « votre petite Ithaque » fait entendre par le jeu des sonorités une attaque redoublée par les démonstratifs « votre Salente, vos crétois », rappelant les utopies qui parsèment le Télémaque. Cette utopie est finalement tournée en dérision avec les antithèses « manquent de tout pour avoir l’abondance ». L’heure n’est plus au lyrisme bucolique, mais à la dérision ironique.

 

 

Le passage du XVIIème au XVIIIème est plus qu’un changement d’esthétique : on abandonne le classicisme et ses valeurs qui condamnaient les excès de la passion pour revaloriser l’exubérance passionnée.

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