séance 5 : Réécritures de Vénus

Reprise du travail sur corpus

1. la reprise de thèmes traditionnels (permanence du mythe)

> Naissance ou apparition de vénus = une nature euphorique. Chez Valéry, « son sourire se forme » : l'euphorie est ainsi lisible sur le visage de la divinité, qui se propage sur le paysage. L'eau devient « riante » et les vagues se mettent à danser au dernier vers. Cette euphorie frappe le narrateur baudelairien qui ouvre le poème avec l'exclamation « Quelle admirable journée », assistant à « l'extase universelle des choses ».

> La beauté éclaire le monde. Le texte de V. Hugo nous fait passer de « l'espace noir » à une vision solaire, puisque « Vénus rayonne ». Ce passage des ténèbres à la lumière est repris chez Baudelaire : « on dirait qu'une lumière toujours croissante fait de plus en plus étinceler les objets. » De même, chez Rimbaud, la progression du regard est de plus en plus précise : « des singularités qu'il faut voir à la loupe ». Vénus éclaire le monde, elle donne à voir, en aiguisant une pulsion « scopique ».

> Une inspiration poétique du monde. En même temps, chez Hugo, dans cette nouvelle genèse, la nature se met à articuler « un fourmillement », « un soupir », « la pervenche murmure à voix basse », etc.. : la déesse propage ainsi la parole poétique, parole de création. Ce chant du monde semble être l'objet du regard de la Vénus de Baudelaire, qui scrute un « je ne sais quoi » inaccessible. Chez Valéry, c'est la personnification du moindre grain de sable, qui témoigne du souffle poétique capable d'insuffler la vie « le frais gravier qu'arrose et fuit sa course agile croule, creuse... » avec un jeu sur les sonorités proche de l'harmonie imitative.

 

2. la subversion du mythe (renouvellement de la réécriture)

> métamorphoses de Vénus. Valéry présente la naissance de la déesse, parodiée chez Rimbaud qui fait sortir Vénus non plus de la mer fertile, mais d'un « cercueil en fer-blanc ». Baudelaire évoque une statue, et Hugo évoque l'étoile brillant la nuit. Loin d'être la réécriture d'une même scène, Vénus évoque une multitude de mises en scène.

> une désacralisation. Rimbaud prend plaisir à parodier la grandeur de la déesse. Le corps est animalisé, il inspire le dégoût et le ton satirique culmine à l'apogée de la provocation avec le dernier mot du dernier vers, anti poétique. La prose baudelairienne va dans le sens d'une désacralisation de la déesse également : la beauté inaccessible de la déesse souligne surtout le prosaïsme d'ici-bas. Le fou, avatar du poète, est également animalisé « je suis… bien inférieur en cela au plus imparfait des animaux. »

> On notera d'ailleurs l'absence de personnages humains chez Hugo et Valéry. Plus exactement, ce spectacle de la nature se déroule près de l'homme endormi » chez Hugo, et nous sommes dans un monde de divinités chez Valéry, avec la mer et le soleil, Thétis, les graviers et les vagues.

 

3. la beauté, un concept en évolution (vénus, support d'arts poétiques)

> une beauté en nuances : Chez Hugo, la beauté se lit entre les rayons et les ombres, dans une esthétique du clair obscur où se rejoue le passage mythique du chaos au logos. De même on passe d'une vision panoramique à une attention microscopique au paysage chez Valéry : l'union du soleil et de la mer fait place à un gravier et des vagues, comme si la beauté habitait entre la grandeur épique des quatrains et la petitesse intime des tercets.

> esthétique de l'oxymore: Chez Baudelaire, ce n'est plus l'harmonie entre les contraires, mais l'opposition entre le fou et la Vénus qui détermine la vision du monde du poète. Écartelé entre ciel et terre, « aux pieds » de la déesse qui regarde « au loin », le poète est divisé. Tout le poème est ainsi sous le signe de l'opposition, depuis le titre qui oppose le fou avec sa minuscule, et la déesse avec une majuscule, jusqu'à son registre, qui oscille entre lyrisme et pathétique. La figure de l'oxymore est alors emblématique : « cette orgie silencieuse » déchire le poète entre son aspiration à l'Idéal et le spleen qui le ronge.

> De l'oxymore à l'ironie. Rimbaud va encore plus loin, dans la mesure où il propose une esthétique de la laideur. L'oxymore « belle hideusement » ouvre sur une nouvelle manière de définir le beau.

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