Créer un site internet

corpus : la figure du poète moderne

Les textes du corpus mettent en relation le poète et la société. La quête d’absolu du poète est vouée à l’échec dans la mesure où elle se fonde sur une opposition entre conscience individuelle et conscience collective. L’engagement personnel du poète est inséparable d’une désillusion : le tragique, l’absurde ou le doute, font du poète un personnage maudit.

Le poète est un être supérieur. « Roi de l’azur » et « Prince des nuées », il est désigné par le vocabulaire de la noblesse et du ciel chez Baudelaire. Il s’oppose ainsi radicalement au peuple. L’albatros devient même la figuration du poète mis au ban de la société : celui-ci est l’objet de la violence des marins, de leurs sarcasmes et de leurs rires. La dimension pathétique de la chute de l’oiseau, accentuée par sa gaucherie et sa laideur, évoque en outre l’indifférence de la société à l’égard de « l’infirme qui volait ». On pourrait rapprocher ce texte de la figure du poète imaginée par René Daumal : sur le point d’être pendu, le poète espère que la société le sauvera : « Faites que je vive, et moi je vous ferai retrouver la parole ! ». En liant ainsi son sort à celui du peuple, le poète assume son statut de guide spirituel à l’égard de la société. Pourtant, la « parole » dont parle ici le poète n’est pas la même que pour le peuple, qui ne fera rien pour lui épargner la mort. Ainsi, la fin du texte se conclut-elle de façon très ironique : « Le peuple était déjà bien trop terrorisé. / Et pour avoir trop balancé pendant sa vie, le poète se balance encore après sa mort. »

 

Sa quête d’absolu est vouée à l’échec . Les deux premiers textes fonctionnent comme une critique du pouvoir de la poésie à « parler pour tous » : c’est donc à la fois l’échec personnel du poète mais aussi son échec sur le plan social.  «Le discours à la première personne » d’Aragon rend compte de cet échec. En premier lieu, le texte a valeur de témoignage : l’auteur partage avec le peuple une même communauté de destin : « Votre enfer est pourtant le mien/Nous vivons sous le même règne ». Si, comme dans les textes précédents, la présence d’autrui est liée à la nécessité de créer (« J’aurais tant voulu vous aider/Vous qui semblez autres moi-même »), ces prédispositions du poète à la quête collective semblent pourtant bien vaines : « Mais les mots qu’au vent noir je sème/Qui sait si vous les entendez/Tout se perd et rien ne vous touche… ».

 

Une expérience sous le signe de l’engagement.  le « Discours à la première personne » ne saurait se concevoir sans porter attention à l’autre. On comprend dès lors l’avertissement d’Éluard : si les poètes « ont appris les chants de révolte de la foule malheureuse », et s’ils ont « l’assurance de parler pour tous », il n’en demeure pas moins que leur parole risque de se limiter à une sorte d’autosatisfaction s’ils n’ont que « leur conscience pour eux ». Rejetant toute représentation élitiste ou symbolique de la poésie (« les poètes sont descendus des sommets sur lesquels ils se croyaient. Ils sont allés dans les rues, ils ont insulté leurs maîtres, ils n’ont plus de dieux »), l’auteur défend une conception particulière de l’engagement qui passe par la volonté de toucher le lecteur dans son expérience la plus concrète : « ils ont appris les chants de révolte de la foule malheureuse ».

 

Autre plan possible :

 

I. du poète prophète, maudit, à l’homme de la foule

> passage d’une verticalité ("l'azur" de Baudelaire) à une horizontalité ("les rues" d'Eluard) : cf "une étoile au fond d'un trou", formule d'Aragon où la hauteur du poète se replie sur les profondeurs des masses populaires

> du sublime (préoccupations spirituelles de Baudelaire et Daumal) au réalisme (l'amour est embrassé concrètement "sur la bouche" chez Eluard)

 

II. transformation du rapport au peuple :

> de la noblesse à l’anarchie : démocratisation de la poésie

> du conflit (poète agressé, sacrifié) à l’harmonie : le poète devient même porte parole

 

III. transformation du langage :

> du lyrisme à l’engagement : la poésie n’est plus centrée sur soi, mais sur l’autre

> une quête d’absolu incommunicable / communion dans un nouveau langage

Ajouter un commentaire