texte 2, l'aveu de Chérubin

Le Mariage de Figaro

 

Intrigue secondaire dans le Mariage, l'aveu d'amour du page Chérubin à la comtesse est un contrepoint savoureux à la violence de la déclaration du comte pour Suzanne. L'accessoire, le ruban, devient le centre du dispositif scénique : objet métonymique, volé à la personne aimée, il manifeste la circulation du désir et permet son expression indirecte. Comment le dispositif scénique permet de jouer sur l'ambiguité du désir ?

 

I. La circulation du désir : une scène de galanterie

 

1. Le ruban : symbole du désir

> Découvert par la comtesse, identifié par Suzanne, exploité par Chérubin pour déclarer sa flamme : l'accessoire fait circuler la parole

> objet métonymique, qui fait partie de la toilette féminine dont le rapprochement avec le corps est souligné par Chérubin

=> objet qui crée un lien, au sens propre comme au sens figuré (cf Ecole des femmes)

 

2. Suzanne : le désir mis en espace

> personnage qui agit, circule, rythme la scène par sa apparitions/disparitions (comme le ruban)

> souligne la beauté de Chérubin et provoque ainsi le désir de la comtesse ou celui de Chérubin

=> le tiers fait naitre le désir, le rend possible (le désir est désir du désir de l'autre)

 

3. corps et vêtements

> scène de déguisement/travestissement : il s'agit d'ôter les vêtements comme l'aveu déshabille l'âme… révélation = moment où les masques tombent

> motif du regard : Chérubin dévore la comtesse avant de fondre en larmes : son regard signifie son désir, puis le matérialise

=> l'aveu est une mise à nu : le corps est dévoilé (déshabillé), il se met à parler (larmes) et notre regard plonge même jusque dans ses blessures : scène d'aveu = moment où le spectateur rentre dans le personnage

 

conclusion de la partie : les moyens de la mise en scène (accessoires, mouvements des personnages, mouvements du corps) sont ici bavards, alors que les paroles sont muettes

 

II. Un aveu indirect : l'art de ne pas dire

 

1. Une parole muette

> phrases inachevées, on est proche de l'aposiopèse avec les points de suspension qui manifestent une réticence : difficulté de dire

> Suzanne « je lui avais dit que je le dirais » : sur le mode de l'irréel, le verbe dire ne peut s'exprimer qu'au passé ou au futur… mais pas au présent !

> fin de la scène : taisez-vous, taisez vous… l'interdit domine les échanges.

=> on est dans le règne de l'implicite, avec une parole qui suggère plus qu'elle ne dit

 

2. parole qui dit l'inverse de ce qu'on pense

> comtesse à la fois émue, troublée (par les beaux bras blancs) et dans la distance (étrangère / infantilisation) : l'hésitation témoigne du fait que l'aveu est à la fois espéré et redouté.

> posture de la déclaration d'amour (lui à genoux, elle assise) et cependant on est dans une parodie : c'est la comtesse qui parle le plus, et elle parle pour qu'il ne parle pas…

=> une parole qui vaut le silence

 

conclusion de la partie : les mots ne permettent pas de signifier le désir, mais au théâtre, la chorégraphie qui se met en place donne à voir un idéal de la déclaration d'amour.

 

III. Comédie érotique visant à sublimer le désir

 

1. Art de voiler / dévoiler

> métamorphose du voile : ruban / taffetas (pansement) / mouchoir : empire des voiles qui dévoilent

> jeu de Suzanne qui insiste pour guider les regards « voyons, voyez... »

=> réminiscence d'autres voiles qui dévoilent : ruban d'Agnès, de Rousseau, de Poppée...

 

2. Le jeu des ambiguïtés

Chérubin travesti, entre rôle masculin et féminin

Chérubin, entre personnage viril (dompteur de chevaux) et infantilisé

=> caractère insaisissable du personnage, à l'image du désir...

 

3. les ambiguïtés du jeu

> on est dans une chambre, le lieu du désir et de l'intimité

> abondance des didascalies : chorégraphie du désir qui est sublimé

=> à l'opposé de la brutalité du comte qui dit son désir obscène, (obscénité = dire son désir) on est dans une scène de galanterie, qui met sur scène le désir non dit (érotisme = faire le désir).

 

Conclusion de la partie : ne pas dire le désir permet de le mettre en scène sous sa forme la plus élevée. Le silence n'est pas l'absence du désir, c'est son idéal.

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