doc complémentaire 2

J. Starobinski, « Le voile de Poppée », in L'Oeil vivant

 

Le caché fascine. « Pourquoy inventa Popaea de masquer les beautez de son visage, que pour les renchérir à ses amans ? » (Montaigne.) Il y a, dans la dissimulation et dans l'absence, une force étrange qui contraint l'esprit à se tourner vers l'inaccessible et à sacrifier pour sa conquête tout ce qu'il possède. Les contes de fées, œuvres réalistes en ce qui touche au mécanisme du désir, ne connaissent de trésors que celés, enfermés en quelque profondeur obscure : s'ils doivent appartenir à quelqu'un, ce sera à celui qui aura tout donné en échange, sacrifiant jusqu'à l'espoir d'en devenir le maître […]

Le caché est l'autre côté d'une présence. Le pouvoir de l'absence, si nous tentons de le décrire, nous ramène au pouvoir que détiennent, de façon assez inégale, certains objets réels : ils désignent, derrière eux, un espace magique ; ils sont l'indice de quelque chose qu'ils ne sont pas. Obstacle et signe interposé, le voile de Poppée engendre une perfection dérobée qui, par sa fuite même, exige d'être ressaisie par notre désir. Apparaît ainsi, en vertu de l'interdiction opposée par l'obstacle, toute une profondeur qui se fait passer pour essentielle […]

De tous les sens, la vue est celui que l'impatience commande de la façon la plus manifeste. Une velléité magique, jamais pleinement efficace, jamais découragée, accompagne chacun de nos coups d'oeil : saisir, déshabiller, pétrifier, pénétrer. Fasciner, c'est-à-dire faire briller le feu caché dans une prunelle immobile...

 

 

Proposer alors, en vous aidant du texte de Starobinski, une définition de l'érotisme

L'érotisme :

un art du regard : voir l'invisible

un art de dévoiler : dire l'interdit

un art d'imaginer : un aphrodisiaque verbal !

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