corpus : le blason

Le Beau Tetin

Tetin refaict, plus blanc qu'un oeuf,
Tetin de satin blanc tout neuf,
Tetin qui fait honte à la rose,
Tetin plus beau que nulle chose ;
Tetin dur, non pas Tetin, voyre,
Mais petite boule d'Ivoire,
Au milieu duquel est assise
Une fraize ou une cerise,
Que nul ne voit, ne touche aussi,
Mais je gaige qu'il est ainsi.
Tetin donc au petit bout rouge
Tetin quijamais ne se bouge,
Soit pour venir, soit pour aller,
Soit pour courir, soit pour baller.
Tetin gauche, tetin mignon,
Tousjours loing de son compaignon,
Tetin qui porte temoignaige
Du demourant du personnage.
Quand on te voit il vient à mainctz
Une envie dedans les mains
De te taster, de te tenir ;
Mais il se faut bien contenir
D'en approcher, bon gré ma vie,
Car il viendroit une aultre envie.
O tetin ni grand ni petit,
Tetin meur, tetin d'appetit,
Tetin qui nuict et jour criez
Mariez moy tost, mariez !
Tetin qui t'enfles, et repoulses
Ton gorgerin de deux bons poulses,
A bon droict heureux on dira
Celluy qui de laict t'emplira,
Faisant d'un tetin de pucelle
Tetin de femme entiere et belle.


 

Clément Marot
(1496-1544),

Épigrammes, 1535

 

Du Laid Tétin

 

Tetin, qui n'as rien, que la peau,

Tetin flac, tetin de drapeau,

Grand' Tetine, longue Tetasse,

Tetin, doy-je dire bezasse ?

Tetin au grand vilain bout noir,

Comme celuy d'un entonnoir,

Tetin, qui brimballe à tous coups

Sans estre esbranlé, ne secoux,

Bien se peult vanter, qui te taste

D'avoir mys la main à la paste.

 

Tetin grillé, Tetin pendant,

Tetin flestry, Tetin rendant

Vilaine bourbe au lieu de laict,

Le Diable te feit bien si laid :

Tetin pour trippe reputé,

Tetin, ce cuydé-je, emprunté,

Ou desrobé en quelcque sorte

De quelque vieille Chievre morte.

 

Tetin propre pour en Enfer

Nourrir l'enfant de Lucifer :

Tetin boyau long d'une gaule,

Tetasse à jeter sur l'epaule

Pour faire (tout bien compassé)

Ung chapperon du temps passé ;

Quand on te voyt, il vient à maints

Une envye dedans les mains

De te prendre avec des gants doubles

Pour en donner cinq ou six couples

De soufflets sur le nez de celle

Qui te cache sous son aisselle.

Va, grand vilain Tetin puant,

Tu fourniroys bien en suant

De civettes et de parfums

Pour faire cent mille deffunctz.

Tetin de laydeur despiteuse,

Tetin, dont Nature est honteuse,

Tetin des vilains le plus brave,

Tetin, dont le bout tousjours bave,

Tetin faict de poix et de glus :

Bren ma plume, n'en parlez plus,

Laissez-le là, veintre sainct George,

Vous me feriez rendre ma gorge.

 

 

 

Tetin refaict, plus blanc qu'un oeuf,
Tetin de satin blanc tout neuf,
Tetin qui fait honte à la rose,
Tetin plus beau que nulle chose ;
Tetin dur, non pas Tetin, voyre,
Mais petite boule d'Ivoire,
Au milieu duquel est assise
Une fraize ou une cerise,
Que nul ne voit, ne touche aussi,
Mais je gaige qu'il est ainsi.
Tetin donc au petit bout rouge
Tetin quijamais ne se bouge,
Soit pour venir, soit pour aller,
Soit pour courir, soit pour baller.
Tetin gauche, tetin mignon,
Tousjours loing de son compaignon,
Tetin qui porte temoignaige
Du demourant du personnage.
Quand on te voit il vient à mainctz
Une envie dedans les mains
De te taster, de te tenir ;
Mais il se faut bien contenir
D'en approcher, bon gré ma vie,
Car il viendroit une aultre envie.
O tetin ni grand ni petit,
Tetin meur, tetin d'appetit,
Tetin qui nuict et jour criez
Mariez moy tost, mariez !
Tetin qui t'enfles, et repoulses
Ton gorgerin de deux bons poulses,
A bon droict heureux on dira
Celluy qui de laict t'emplira,
Faisant d'un tetin de pucelle
Tetin de femme entiere et belle.


 

Clément Marot
(1496-1544),

Épigrammes, 1535


 

LE BLASON

Ayant avecque lui toujours fait bon ménage,
J'eusse aimé célébrer, sans être inconvenant,
Tendre corps féminin, ton plus bel apanage,
Que tous ceux qui l'ont vu disent hallucinant.

Ç'eût été mon ultime chant, mon chant du cygne
Mon dernier billet doux, mon message d'adieu.
Or, malheureusement, les mots qui le désignent
Le disputent à l'exécrable, à l'odieux.

C'est la grande pitié de la langue française,
C'est son talon d'Achille et c'est son déshonneur,
De n'offrir que des mots entachés de bassesse
À cet incomparable instrument de bonheur.

Alors que tant de fleurs ont des noms poétiques,
Tendre corps féminin, c'est fort malencontreux
Que ta fleur la plus douce et la plus érotique
Et la plus enivrante en ait un si scabreux.

Mais le pire de tous est un petit vocable
De trois lettres, pas plus, familier, coutumier,
Il est inexplicable, il est irrévocable,
Honte à celui-là qui l'employa le premier.

Honte à celui-là qui, par dépit, par gageure,
Dota du même terme, en son fiel venimeux,
Ce grand ami de l'homme et la cinglante injure,
Celui-là, c'est probable, en était un fameux.

Misogyne à coup sûr, asexué sans doute,
Au charme de Vénus absolument rétif,
Était ce bougre qui, toute honte bu', toute,
Fit ce rapprochement, d'ailleurs intempestif.

La malepeste soit de cette homonymie!
C'est injuste, madame, et c'est désobligeant
Que ce morceau de roi de votre anatomie
Porte le même nom qu'une foule de gens.

Fasse le ciel qu'un jour, dans un trait de génie,
Un poète inspiré, que Pégase soutient,
Donne, effaçant d'un coup des siècles d'avanie,
À cette vrai' merveille un joli nom chrétien.

En attendant, madame, il semblerait dommage,
Et vos admirateurs en seraient tous peinés,
D'aller perdre de vu' que, pour lui rendre hommage,
Il est d'autres moyens et que je les connais,

Et que je les connais.

 Georges Brassens
(figure sur l'album Mourir pour des idées 1960-62)

 

 

 

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