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Incipit Education sentimentale

objectifs :

respect apparent des conventions de incipit, mais décalage du personnage avec le cadre.

Ironie du narrateur dans ce début très réaliste (au sens où on refuse toute forme d'idéalisation)

l'ouverture du roman comme fermeture des horizons… (contrepied de Diderot)

 

Lecture Analytique :

 

I. Un incipit de roman d'apprentissage

 

Incipit = entrée dans un paysage et dans un personnage dans une alternance qui invite à établir un parallélisme.

 

Une ouverture sous le signe dynamique du départ. Cadre : début de journée (6h du matin), et mise en mouvement du paysage (« le navire partit », « deux berges filaient », « le pont tremblait » : ces verbes de mouvements indiquent une animation des lieux). « Des gens arrivent hors d'haleine » : point de départ sous le signe d'un débordement d'énergie. Le lieu est propice aux désirs naissants, comme en témoigne la scène de séduction finale, qui peut faire écho au titre du roman.

 

Découverte progressive du personnage : un jeune homme de dix-huit ans > M. Frédéric Moreau > Frédéric : progression vers une intimité, avec point de vue externe, puis omniscient, et enfin interne : on entre de plus en plus dans le personnage, qui peut avoir des traits de héros épique, un nouvel Ulysse. Il est jeune, posté « près du gouvernail » comme un capitaine, et son portrait en personnage romantique le fait correspondre à une époque indiquée dès les 1ers mots de l'extrait.

 

Les premières lignes sonnent comme une nouvelle Odyssée, avec ce bateau qui porte un nom épique (Montereau = monter haut?). Cette mise en mouvement, qui correspond à la mise en route de la lecture, peut même avoir un côté symbolique : « … comme deux larges rubans que l'on déroule » : métaphore du livre, du texte qui se déroule ?

 

 

II. Immobilité et paralysie romanesque : un faux départ

 

immobilité et enlisement semblent caractériser ce départ : l'embarquement est marqué par une circulation difficile, un encombrement que la phrase mime avec une accumulation d'objets pluriels. Le personnage est « immobile », et surtout, il semble sans cesse regarder en arrière : ce n'est pas le héros conquérant, mais un personnage qui regrette de partir. « il se dédommageait de ne pouvoir séjourner dans la capitale, en regagnant sa province par la route la plus longue » : on est proche de l'errance, notre héros incarne le juif errant plus que le conquérant…

 

Les verbes sont hantés par cette idée d'un éternel retour :  « reçu », « retournait », « revenu », « regagnant »… : on est sur le mode de la répétition, de l'éternel retour… Drôle d'éducation qui commence par un retour chez la mère… Même le paysage est répétitif lorsque le soleil paraît : une colline disparaît, une autre surgit… Même son regard finit par s'immobiliser, puisqu'il se pose sur un « cercle » de passagers, qu'il préfère qu paysage qui défile (abandon du mouvement dans ce regard fasciné). C'est la fermeture des horizons que célèbre l'ouverture du roman…

 

Le paysage est indéfini « des grèves de sable », « des trains », « le remous des vagues », « un bateau, un homme... » et le regard est lui aussi indéfini « on rencontrait » : dans cette esthétique de la touche juxtaposée, on a un paysage fragmenté décrit par un point de vue éclaté... Plus on avance, et plus la description vole en éclats.

 

III. Une ironie décapante… : le départ = la fin des illusions

 

Loin de l'idéal épique, on a un départ réaliste avec le spectacle des fumées et les vapeurs de la machine. La fumée est présente dès la première phrase, puis la vapeur et une nuée blanchâtre enveloppent le paysage. La description est ainsi sans cesse dévalorisée. La contemplation de notre héros est même fixée sur un paysage disparaissant, « dont il ne savait pas les noms » : il ne contemple que du vide.

 

Du point de vue sonore, il y a également un envahissement de bruits parasites : la cloche est présente au début et à la fin de note extrait (pour son bruit incessant, mais aussi parce que ça permet d'associer Frédéric à une cloche…). En guise de souffle épique on n'a que les soupirs de Frédéric et le râle de la salle de machine. La cheminée qui crache un râle lent et rythmique son panache de fumée noire = métaphore de l’œuvre ?

 

 

On est alors dans un incipit ironique, qui renverse les valeurs épiques et héroïques que pouvait incarner Frédéric. Frédéric est décrit comme un héros romantique, physiquement d'abord, avec ses cheveux longs et son album sous le bras (caricature d'un René). Puis le point de vue interne nous livre ses pensées mélancoliques sur son génie… on a ici une caricature du romantique qui égrène les clichés idéalistes sans cesse mis en échec par l'ironie du narrateur

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